JAZZ & PAYSON
Quoi qu'on fasse, y'a des personnes, on les aime pas.

Elle poussa les portes de l'Oz et ne fut pas surprise de voir que la salle était pleine. C'était l'heure de pointe du soir, celle où tous les étudiants affluaient. Certains venaient se détendre et s'amuser, d'autres pour oublier que celui ou celle qu'il croyait être l'amour de sa vie l'avait plaqué par texto. Elle se fraya un chemin en jouant des coudes et tenta de rejoindre le bar, tant bien que mal.¨Elle commanda un verre au serveur en élevant un peu la voix, pour couvrir le bruit incessant qui régnait. "bzzzz". Elle prit son téléphone et lu le message. On la plantait, une fois de plus. Entre un pure brun au regard soit-disant ténébreux et une copine de confrérie, apparemment le choix était vite fait. Ce qui ne faisait aucun doute c'est que Payson aurait elle aussi choisit le bel étalon, mais c'était toujours désagréable de se retrouver pour la soirée, sans garçon dans son lit, ni copines pour en trouver. Elle glissa son téléphone dans sa poche et balaya du regard la pièce. Elle s'arrêta net. Se trouvait assise seule à une table, Jazz Costello. Manquait plus qu'elle. Soudain, une idée lui traversa l'esprit. En fait, c'était plutôt une bonne nouvelle de la voir ici. Payson se tourna et fit signe au serveur. « Un deuxième aussi, s'il te plaît. » Elle avait toujours trouvé cette fille relativement louche. Une fille réunissant autant de qualités apparentes et ne montrant aucun défauts ne pouvaient être qu'une fille qui cache quelque chose. Le seule problème, c'est qu'elle ne pouvait se baser que sur une intuition car Jazz n'avait jamais fait preuve d'une moindre faute ou d'un seul pas de travers. C'était d'ailleurs pile ou face car si Jazz se révélait être finalement ce qu'elle montre en permanence, Payson s'en voudrait d'avoir fait partie de ces personnes qui jugent et qui se trompent. Elle prit les deux verres après avoir payer, et rejoignit la table de Jazz. « Un verre, ça te dit ? » Elle lui tendit son deuxième verre et lui sourit. Sa stratégie était simple : elle ferait boire Jazz jusqu'à la saouler. Alcoolisée, elle serait bien forcée de parler ou de faire une erreur. Payson jubilait intérieurement, sa soirée promettait finalement d'être intéressante. « Alors, comment tu vas ? »

Ce soir, allez savoir pourquoi, j'avais décidé de me rendre au bar très fréquenté par les étudiants, l'Oz. Un lieu qui habituellement ne me plaisais guère, car trop bondé. J'avais beau être sociable et populaire, en apparence, en réalité, je préférais largement la solitude à la compagnie de tous ces énergumènes que je faisais semblant d'apprécier. Seulement c'était aussi un bon endroit stratégique pour en apprendre plus sur les autres, et découvrir quelques faits intéressants, déliés par l'alcool. Les jeunes de nos jours pouvaient vraiment être cons. Je ne comprenais pas leur nécessité à s’enivrer dès qu'ils le pouvaient, jusqu'à dégobiller dans le caniveau, et raconter tout et n'importe quoi. Mais surtout s'exposer. Une seule petite fois, je m'étais laissé aller, résultat des courses : j'avais coucher avec une fille, mais le plus important, avouer ma véritable personnalité. Une erreur que je ne comptais certainement pas refaire. De toute manière, pour me saouler, il fallait vraiment y aller. Contrairement aux apparences, et à mon petit gabarit, je résistais très bien à l'alcool. Fait que je préférais garder pour moi, pouvant être très avantageux parfois. Bref, ce soir, je m'étais pointé au bar, seule. Si je l'avais désiré, je n'aurais certainement pas eu de mal à me trouver de la compagnie, seulement ce n'était pas mon but. Armée de ma fausse carte d'identité – qui n'en possédait pas une de nos jours ? - je m'étais commandé un gin tonic et installé tranquillement à une table. Qui ne fut plus tranquille bien longtemps. Voilà que Payson ramena sa fraise. Un grand sourire aux lèvres, et deux verres dans la main. Hmm je la voyais venir celle là. Beaucoup trop louche son comportement. Que préparait elle ? Je savais qu'elle se méfiait de moi. Et je comptais bien lui faire regretter de n'avoir ne serait ce que douter de moi. Bien que dans le fond elle est parfaitement raison, mais on s'en fou. Je lui rendit son sourire.  « Ça tombe bien le mien est vide. Merci. » dis je en lui prenant des mains. La demoiselle s'installa en face de moi, sans même que je l'y invite. Apparemment elle était bien décidée à me tenir compagnie. Elle voulait jouer l'hypocrite ? Croyez bien que j'étais la plus forte à ce jeu là.  « Ça va. Tu tombes à pic tu sais, tu me sauves de ma profonde solitude. Ma coloc' m'a poser un lapin » Bien sur, elle égayait ma journée. Je savais pertinemment où se trouvait Kaitlyn en ce moment même pour avoir reçu un texto d'elle, alors pas de crainte qu'elle se pointe à l'improviste. Je bus une gorgée de mon verre. Wouah ce qu'elle avait prit était fort. Devais je y voir un signe ? Je fis une grimace - forcée je devais l'avouer - afin de lui faire croire que c'était corsé pour moi. « Tu joues pas dans la cours des petits dis moi »

Payson avait toujours eu une une grande capacité à cerner relativement vite les personnalités. Étonnamment, Jazz était toujours passée entre ses filets. Elle n'arrivait pas à savoir qui était réellement cette fille et cela avait le don de l'agacer. Elle sentait toutefois quelque chose de faux sans vraiment pouvoir l'affirmer ou même le prouver. Elle ne pouvait la regarder sans se dire que derrière ce visage si angélique, quelque chose de plus profond, de plus noir était ancré. Mais elle ignorait quoi. Jazz prit le verre et Payson s'installa en face. La discussion promettait d'être très hypocrite. « Tu ne peux pas savoir comme je suis ravie de te tenir compagnie alors. Et puis, une amie m'a également planté pour ce soir. Enfin, le principal c'est que la soirée ne sera finalement pas un échec. » La soirée devenait excitante. Elle sentait que son adversaire était une fille intelligente, subtilement rusée et très maline. Les personnes rusées ne se laissent que rarement avoir car ils ont une capacité d’adaptation très développée et un sens aiguë de l'argumentation. Cela dit, tout le monde commet toujours une erreur. Ce soir, serait l'erreur de Jazz, ou celle de Payson. Jazz prit une gorgée de son verre et émit une grimace. Payson jubila, son plan marchait. Elle était si fière qu'elle laissa échapper un rire qui était pour le coup sincère. « Jamais! » Elle rigola une nouvelle fois d'un rire cristallin. Il est vrai que question alcool, elle n'y allait déjà pas de main morte pour elle alors pour un plan de se genre, l'artillerie lourde était nécessaire. Aux grands joueurs, les grands moyens. « Bon je te l'accorde, je n'ai pas débuté par le plus doux. Mais tu vas voir, ça vient avec l'habitude. Et puis, on se fait à tout, n'est ce pas ? » Payson malgré l'expérience et l'habitude, ne tenait pas si bien l'alcool que l'on aurait pu le croire et redoutait quelque peu de ne pas être assez lucide pour voir le faux pas de Jazz. Chaque mot, chaque expression pouvait la trahir. Il fallait rester vigilante, cette fois-ci elle serait plus maline qu'elle. Et puis, elle se doutait bien qu'étant donné la morphologie de cette petite blonde fluette, elle n'aurait pas de mal à l'assommer avant elle. Elle prit son verre et le bu elle aussi, sans grimace à la fin. Elle reposa son verre vide sur la table tout en souriant. Venait le temps de la phase 1 : prendre la température et préparer le terrain. « On a du se voir quoi, trois quatre fois et je ne sais finalement pas grand chose de toi. Tu viens du Michigan ? »

« Tu ne peux pas savoir comme je suis ravie de te tenir compagnie alors. Et puis, une amie m'a également planté pour ce soir. Enfin, le principal c'est que la soirée ne sera finalement pas un échec. » Mouais c'est ça. Je ressentais l'hypocrisie à des milliers de kilomètres pour la pratiquer moi même continuellement. Elle devait être autant ravie que moi de sa compagnie. Quoi que après tout c'était elle qui avait décidé de son propre chef d'être à mes côtés. Mais je doutais que c'était pour ma merveilleuse conversation. Oh non mademoiselle avait un plan derrière la tête, et apparemment il comprenait de l'alcool. En tout cas si ses intentions étaient de ma saouler, elle allait devoir s'accrocher la pauvre. « Bon je te l'accorde, je n'ai pas débuté par le plus doux. Mais tu vas voir, ça vient avec l'habitude. Et puis, on se fait à tout, n'est ce pas ? » Comme je m'y attendais, elle acheta sans problème le fait que cet alcool semblait trop fort pour moi. Limite elle en était fière d'attaquer avec du lourd. Halala.  « On verra bien. Mais si je finis la soirée à danser sur la table ça sera de ta faute » dis je en plaisantant. Sous-entendu que j'acceptais volontiers de continuer à boire. De toute manière je n'allais pas cracher sur un verre gratos, peut importe la provenance. « Hey t'as pris de l'avance » Mademoiselle venait en effet de terminer son verre. Alors genre, comme si je ne voulais pas jouer les petits bras, je finis le mien cul sec. Payson voulait apparemment en savoir plus sur moi. Je détestais parler de ma personne, mais bon puisqu'il le fallait. Et puis après tout cela restait des détails sans importance. Ce n'était pas demain la veille que je lui confirais quelque chose de personnel.  « J'avoue, on ne se connait pas vraiment, mais il va falloir remédier à ça ! Alors pour répondre à ta question, non je ne viens pas du Michigan, je suis originaire de la Grande Pomme. Je suis fille unique à mon plus grand regret, et je viens d'une famille aisée. Et toi ? » demandais je en retour, comme si je m'intéressais à sa vie, chose qui n'était pas le cas.  « Je reprendrais bien de ce que tu m'as fais boire, pas toi ? J'ai envie de m'amuser ce soir ! » déclarais je enthousiaste. Je comptais bien lui faciliter la tâche, mademoiselle penserait que tout se déroulerait à merveille.