« Oups. » Pour la troisième fois en moins de trente minutes, Sabella glissa du tabouret sur lequel elle était assise. Elle ferma les yeux, prête à entrer en contact avec le sol mais en les ouvrant après plusieurs secondes, elle comprit qu’on l’avait rattrapé à temps et qu’elle avait par la même occasion était sauvé par ce qui serait pour le reste de la soirée, son chevalier servant. « Merci. » Elle se redressa, passa une mèche de cheveux derrière son oreille et lui fit ses yeux de biches ainsi que son sourire le plus aguichant. « Plus rapide que le prince charmant, dire qu’il lui a fallut cent ans pour sauver Ariel ! » Elle hocha la tête d’un air très concentré sans se rendre compte le moins du monde qu’elle ne savait plus ce qu’elle disait. « Vous devriez rentrer, vous ne semblez pas en très bon état. » Ou comment refroidir la petite Potter. Elle savait très bien s’occuper d’elle-même, et si elle disait qu’elle n’était pas bourrée, elle ne l’était pas. Son sourire quitta immédiatement ses lèvres et elle tourna le dos au jeune homme. Un peu trop rapidement sans doute puisqu’elle bascula à nouveau. « Je vais vous ramener. » Il l’avait peut-être sauvé deux fois d’une chute imminente mais elle n’en était pas moins capable de se débrouiller. « Bas les pattes monsieur je sais mieux que tout le monde comme les gens se sentent. »

Elle attrapa son sac et d’un pas mal assuré quitta le bar pour se retrouver chancelante sur le trottoir. Elle sortit ses clés de voiture, prête à prendre le volant pour rentrer chez elle lorsqu’elle constata qu’elle n’avait aucune idée d’où elle avait bien pu la garer, ou même de si elle était venue en voiture. Chancelant à la limite de tomber, elle décida de s’assoir au bord du trottoir et sortit son portable. « Clay ? C’est moi. Tu sais, Sabella, brune, super canon, avec le nom d’un sorcier, tout ça. C’est un peu triste qu’Harry Potter soit terminé d’ailleurs, j’aimais bien moi, le petit là, avec les cheveux oranges, comment on dit déjà ? Ah oui, je suis à l’Oz et je ne trouve pas ma voiture, je peux pas rentrer chez moi et mon prince charmant est un crétin fini, tu veux pas venir me chercher ? S’il te plait s’il te plait, s’il te plait ? » Elle raccrocha, posa sa tête sur ses genoux et attendit que Clay arrive, il allait arriver c’était certain. Ce qu’il fit par ailleurs. Elle releva sa tête et en le voyant, ses traits s’illuminèrent. Elle écarta les bras et s’écria. « CLAYYYYY ! T’es venu me sauver! Il est où ton fidèle destrier? » Elle lui offrit son plus beau sourire mais n’osa pas bouger pour le moment, son estomac le lui intimait.

« Et sinon au lieu de perdre son temps dans des pérégrinations stupides, on pourrait avancer dans le débat ? Certaines personnes ici présentes ont certainement d'autres activités des plus enrichissantes à faire. » Débat sur un sujet brûlant de l'actualité. Autrement dit, comment épiloguer des heures après les cours autour d'une table pour un but qui demeurait encore flou. C'était affligeant pour Clay qui, les deux pieds posées sur la chaise voisine, s'était assis loin d'eux dans l'espoir de ne pas entendre leurs arguments faibles et leur défense des plus vulnérables. Pathétique. Et dire qu'il côtoyait pour la troisième année consécutive des incapables dont il doutait encore de la future réussite. On avait décidé de perdre une ou deux soirées dans la semaine pour réunir un petit groupe des étudiants de droit, piochés au hasard. A leur faire croire que l'assiduité améliorait le talent. Il n'avait pas le choix. Clarence n'était pas dupe et le montrait ouvertement à l'agacement de l'ensemble de ses camarades qui lui jetaient un regard exaspéré sitôt qu'il daignait ouvrir la bouche. « Et bien va-y ô grand McPherson, démontre-nous comment pourrait-on accorder à cet homme un seul crédit d'innocence. » S'était risqué l'un d'entre eux, visiblement avide de bomber le torse fier comme un gorille. Il n'en fallait pas plus comme faille pour réjouir l'intéressé. Quand bien même il paraissait pour être le plus nonchalant de ses camarades, Clarence n'en était pas moins la personne qui connaissait le sujet sur le bout des doigts, comme tous les autres d'ailleurs. Se redressant soudain, il sortit de son apathie. La démarche assurée, l'air las, il empoigna une chaise près d'eux et la retourna pour l'enfourcher à califourchon et pour s'appuyer contre son dossier. « Enfin, je vais me dévouer pour écouter ce débat stérile. »

Une petite tirade improvisée mais qui sonnait comme la plus parfaite des argumentations, quelques mines déconfites et le sourire satisfait de Clay ne quittait plus son visage. Passant une main dans ses boucles emmêlées, il se leva enfin, attisant encore toutes les attentions. « D'autres questions ? » Sans même attendre une réponse il quitta la pièce tandis qu'il sentait son cellulaire vibrer au fond de sa poche. Il reconnut la voix à l'autre bout du fil, quoique bien entamée par l'alcool et avant même qu'il ne puisse sortir un mot, on lui raccrocha au nez. Rapidement, il fila jusqu'à la destination indiquée et il ne fallut que quelques pas près du dit Oz pour reconnaître le zombie ramassé sur le trottoir. Se plantant devant elle, les mains dans les poches, il n'esquissa aucun geste pour la relever. Son teint blafard et ses yeux brillant suffisaient à l'en dissuader. Sa question lui arracha un rictus moqueur tandis qu'il faisait mine de chercher : « Oh mince, j'ai du le laisser sur le parking là-bas. Je lui ai donné deux pommes pour qu'il attende mais vu ton état j'aurai dû prévoir le panier entier. » Il se baissa à sa hauteur et chercha son regard de ses yeux bleus, sans la toucher pour autant : « Quoique c'est peut-être une brouette que j'aurais du prévoir. Te traîner jusqu'à ton pavillon risque d'être fastidieux. »

« Oh mince, j'ai du le laisser sur le parking là-bas. Je lui ai donné deux pommes pour qu'il attende mais vu ton état j'aurai dû prévoir le panier entier. » Instinctivement, Bella tourne la tête vers la droite, où se trouve le parking, surement dans l’espoir d’apercevoir le dit cheval. Elle se rend vite compte qu’elle ne peut rien voir d’ici et hausse les épaules alors que la deuxième partie arrive à son cerveau. « Je vais très bien. » Mensonge. Elle le savait, il le savait, elle ne trompait personne, y comprit elle-même. L’alcool était un peu redescendu et la dure réalité reprenait petit à petit sa place sur l’euphorie alcoolisée. « Je vais toujours bien. » C’était vrai, jamais elle ne se plaignait, jamais. Elle gardait constamment le sourire aux lèvres, qu’il soit hypocrite ou non. Mais la présence de Clarence était plus qu’appréciée. Elle se leva légèrement pour tirer sa manche, essayant de le faire assoir près d’elle. Ce qu’il fit plus ou moins. « Quoique c'est peut-être une brouette que j'aurais du prévoir. Te traîner jusqu'à ton pavillon risque d'être fastidieux. » « Je ne vois pas ce que tu veux dire. » Elle ne pouvait pas aller si mal si mal que ça, elle avait à peine bu plus que d’habitude. Dans le doute, elle farfouilla dans son sac pour attraper un miroir, ne le trouvant, laissa tomber, trouva un élastique à la place et attacha sa chevelure ondulée en une queue de cheval lâche. « Merci d’être venu. » Dans le flou de l’alcool, elle comprenait tout de même qu’elle l’avait surement dérangé et forcé à venir la retrouver. C’était la première personne à qui elle avait pensé à dire vrai, la seule. « Comme je n’entends aucun cheval, j’en déduis que tu n’en as finalement pas amené. » Ce qui semblait logique mais on pouvait toujours rêver. « Tant mieux, c’est contre toi que je vais devoir me blottir alors. » Elle lui lança un grand sourire en ancrant ses yeux dans les siens. « Et tu sens drôlement meilleur, ce n’est pas à négliger ! » Elle ne pu s’empêcher cette remarque et éclata de rire juste après. Elle n’avait jamais aimé les chevaux, alors qu’elle appréciait tout particulièrement les hommes.

Clarence l'observa pendant quelques secondes. Quand bien même, ils n'étaient pas des meilleurs amis qui se fréquentaient souvent, il avait parfois l'impression de reconnaître certaines de ses attitudes. Bien sûr que d'un côté, elle lui rappelait Ashleigh. Les mêmes traits du visage, les mêmes airs à une poignée de détails près qu'il était capable de montrer du doigt. Mais au-delà de la ressemblance physique, il avait parfois l'étrange sentiment de pouvoir comprendre Sabella. Loin d'être aussi populaire et d'apparence joyeuse comme elle, ils avaient vécu les mêmes épreuves et si elle l'avait appelé lui, il pensait pouvoir y trouver une raison. Tandis qu'il s'agenouillait près d'elle, elle farfouillait dans son sac à la recherche d'un élastique pour retenir ses cheveux légèrement emmêlées qui lui tombaient devant le visage. Ils le savaient tous les deux : il n'était pas la bonne personne pour réconforter ou voler à la rescousse des autres. Elle était certainement la première personne qu'il devait éviter lorsque les regards étaient curieux et la mystérieuse affaire d'Ashleigh non résolue. Mais comme par un malheureux hasard, il avait le don d'aimer les situations à risque. Suite à son remerciement, Clay se contenta d'hausser les épaules. « La prochaine fois que je serai croulant dans le caniveau, ivre mort, tu viendras me traîner jusqu'à chez moi. » Simple ironie pour se moquer d'elle. Le jeune homme ne pouvait jamais s'empêcher de railler ou de critiquer c'était plus fort que lui. Parfois même sa façon de prouver aux autres qu'il leur portait une attention, geste déjà conséquent de sa part... Sa remarque manqua à nouveau de lui arracher un sourire tandis qu'il passa une main désinvolte dans ses boucles, maintenant assis à même le sol. « Désolé tu semblais si pressée que je vienne que je n'ai eu le temps de faire la réservation pour le cheval blanc du prince. » Elle voulait se blottir contre lui et si toutefois Clay n'avait pas une fierté à toute épreuve, sans doute se serait-il écarté. Les étreintes n'étaient pas de son quotidien encore moins lorsqu'elles ressemblaient à celles qu'il avait avec feu sa petite amie. Profitant du fou rire de Sabella, il passa sa main froide sur le front de la jeune fille pour évaluer sa capacité à reprendre ses esprits. « Quel compliment. En revanche, on ne peut pas en dire autant de ton haleine de poney... Tu as bu quoi au juste ? » Sur un ton plus sérieux, presque moralisateur, il poursuivit, délaissant le front de la demoiselle. « Et pourquoi as-tu voulu que ce soit moi qui vienne te chercher ? N'as-tu pas un admirateur prêt à se lever à des heures pas possible pour tes beaux yeux ? » Si toutefois il avait été dans son lit ou réellement occupé, Clay doutait d'avoir répondu à l'appel de Sabella. Étrangement, il n'avait pas hésité et s'était rué jusqu'à sa destination sans même se demander dans quel état il la trouverait. L'alcool faisait bien des ravages.

Sabella était une grande fille, elle n’avait pas besoin d’être réconfortée ni qu’on s’apitoie sur son sort, elle avait simplement besoin que quelqu’un la raccompagne chez elle. « La prochaine fois que je serai croulant dans le caniveau, ivre mort, tu viendras me traîner jusqu'à chez moi. » L’ombre d’un sourire fugitif passa sur ses lèvres avant qu’elle ne réplique. « Le prince ne se fait jamais sauver par la princesse. » Cette soirée était en train de tourner à la disney. Écœurant, elle en aurait presque eut envie de vomir. Ou était-ce simplement les effets de l’alcool. « Mais je t’enverrai un taxi, promis. » Elle devenait un peu plus cinglante lorsqu’elle était alcoolisé, aussi surprenant que cela paraisse. Oui, elle devenait presque mièvre mais sa répartie ne mourrait pas pour autant. Mais en y repensant à deux fois, elle n’avait effectivement rien d’un sauveteur et si la situation avait été inversée, elle n’aurait su dire si elle se serait elle-même déplacée. Les bizuts sont faits pour ça non ? « Désolé tu semblais si pressée que je vienne que je n'ai eu le temps de faire la réservation pour le cheval blanc du prince. » Un léger rire se fit entendre alors qu’elle serra un peu les jambes pour ne pas qu’il aperçoit ses sous vêtements, ou plutôt l’absence de ces derniers. « A défaut d’avoir eu un cheval blanc, un étalon est tombé du ciel. » Elle releva légèrement les sourcils, comme elle avait l’habitude de faire à chaque fois qu’elle faisait une allusion sexuelle. « Quel compliment. En revanche, on ne peut pas en dire autant de ton haleine de poney... Tu as bu quoi au juste ? » Si elle avait parlé d’étreinte, elle ne le pensait pas, ou presque. Peut-être que si, peut-être avait-elle besoin de chaleur humaine, de contact, elle ne saurait dire. Elle n’était pas très au faits de ces choses là. Tout comme elle ne saurait dire ce qu’elle avait bien pu boire ce soir. « Pas grand-chose. » Elle croisa les bras et regarda ailleurs quelques secondes. « Et pourquoi as-tu voulu que ce soit moi qui vienne te chercher ? N'as-tu pas un admirateur prêt à se lever à des heures pas possible pour tes beaux yeux ? » Si les quelques premières minutes s’étaient bien passé, ça commençait à devenir un peu trop intellectuel pour l’état dans lequel elle se trouvait. « Tu es venu n’est ce pas ? » Elle esquissa un léger sourire sans joie tout en haussant les épaules. « Je savais que tu viendrais. » C’était simplement comme ça, c’était comme ça avec toutes les personnes qui avaient connus et côtoyé Ashleigh. Ils avaient sans doute l’impression de la retrouver un peu, de pouvoir l’aider, en quelque sorte. Sentant venir les larmes à ses yeux, elle secoua la tête et réussit par miracle à se mettre debout. « Tu sais quoi, il doit me rester un peu d’argent, je me sens mieux et je vais y retourner. Je te paye un verre si tu veux, ou tu es libre de partir. Merci quand même. » Elle se sentirait surement coupable de l’avoir fait venir pour rien le lendemain matin mais pour le moment ce n’était pas le cas. Plantée debout sur le trottoir, ou presque puisque quelque peu chancelante, elle attendait sa réponse.

Spoiler:

Loin de lui l'idée de jouer les grands frères protecteurs. Pas plus que de jouer le prince servant et dévoué. Dans l'histoire il était plutôt l'anti-héros râleur et égoïste. Peu de jeunes filles avaient pu se vanter d'avoir eu toute l'affection et l'attention de Clarence. Ashleigh l'avait bien compris et s'était contenté des quelques marques de tendresse qu'il pouvait offrir, toujours avec retenue. L'idée du taxi lui plaisait bien finalement et si toutefois Clay n'avait pas été doté d'un semblant de savoir-vivre, sans doute en aurait-il appelé un qui se débrouille de ramener Sabella à bon port dans un lit bien chaud. Une nouvelle fois ne faisant que la regarder, il remarqua qu'elle serrait les jambes. Avait-elle froid ? Elle pouvait toujours courir pour qu'il lui offre sa veste. Le Michigan, en plein milieu de la nuit, devient rapidement frileux et le jeune homme ne tenait pas à attraper la pneumonie pour préserver les poumons de la jolie brune. Elle n'avait qu'à daigner mettre quelque chose sur ses épaules exposées et ses jambes dénudées plutôt que de demeurer avec l'idée de séduire : avec cette mine-là sans doute ne séduirait-elle plus grand monde. A sa dernière allusion, Clarence n'eut qu'un rire bref qui démontrait qu'il n'était aucunement troublé ni interpellé. Au vu des conquêtes de Sabella, l’appellation d'étalon ne relevait pas du compliment... « Tombé du ciel, non. Dérangé dans ses activités, plus probable. » Il ne lui reprochait pas de l'avoir appelé, il souhaitait simplement la secouer un peu. Parce qu'il avait horreur de jouer les épaules de secours. Et c'était bien ce qu'il était là, sinon quoi d'autre ?

Il demeura assis un instant quand la jumelle se leva non sans difficulté avec dans l'idée de retourner à sa beuverie. Était-elle stupide ou inconsciente ? Hébété, il leva les yeux vers elle, prenant soin de ne pas égarer son regard là où ça aurait été plus intéressant : « Tu plaisantes j'espère ? » Il se redressa d'un bond et agrippa le poignet de Sabella fermement, au cas où celle-ci déciderait de trébucher. « Tu fais un sondage pour savoir si chaque homme que tu appelles vient à ton secours ou quoi ? » Elle comptait le planter là comme ça tandis qu'il repartirait gaiement vers de nouveaux horizons ? « Sache que je n'ai aucun devoir envers toi. Mais, tu sens les relens de l'alcool, ta conversation est plutôt limitée intellectuellement bien que tu estimes être dans un état relativement correct. Tu te baisses et on a le droit à l'éclipse lunaire et je dois repartir ? Si tu veux je te laisse au bord d'un fossé près d'un hangar désaffecté, la situation sera la même. » Sans lui demander la permission, Clay s'empara du sac à main de Sabella. Elle ne pourrait s'enfuir ni faire de bêtises. « Très bien je reste avec toi. Mais c'est un café qu'on va prendre et bien sûr c'est toi qui offres. » Dit-il en agitant la pochette de sa main droite. Pas sûr de trouver un café à cette heure-ci mais Clay avait un certain pouvoir de persuasion. Elle l'avait appelé ? Il était là.

« Tombé du ciel, non. Dérangé dans ses activités, plus probable. » S’il avait laissé planer le doute sur sa joie d’être ici avec elle, tout était étonnamment clair désormais. Elle hocha la tête, préféra se taire, ce qui était plutôt rare de sa part et passa vite à autre chose, très vite Rien de tel qu’un petit verre de vodka pour requinquer n’importe qui. C’est ce qu’elle pensait, ou presque lorsqu’elle s’était révélée avec pour but d’y retourner, il n’y avait pas à dire, Clarence ne voulait pas être ici alors autant qu’il rentre chez lui. Mais pour quelqu’un qui voulait rentrer, il n’était pas si désireux de partir. « Tu fais un sondage pour savoir si chaque homme que tu appelles vient à ton secours ou quoi ? » Elle lutta vaguement pour récupérer son poignet, sans résultat. « Sache que je n'ai aucun devoir envers toi. Mais, tu sens les relents de l'alcool, ta conversation est plutôt limitée intellectuellement bien que tu estimes être dans un état relativement correct. Tu te baisses et on a le droit à l'éclipse lunaire et je dois repartir ? Si tu veux je te laisse au bord d'un fossé près d'un hangar désaffecté, la situation sera la même. » Malgré elle, Bella sent ses yeux s’embuer après son discours. Elle regarde en l’air, dissipe cet étrange sentiment de malaise aussi rapidement que possible. Quelques secondes seulement après, ses traits sont redevenus froids et hautains, cachant le moindre de ses sentiments. « Très bien je reste avec toi. Mais c'est un café qu'on va prendre et bien sûr c'est toi qui offres. » Elle vacilla légèrement lorsqu’il récupéra son sac mais ne dis pas un mot, se contenta de mordiller légèrement sa lèvre avant de récupérer son poignet. « Tu sais quoi Clarence, tu as raison, je n’aurai jamais du t’appeler. » Elle se baissa pour ramasser les escarpins qu’elle venait d’ôter. Si elle devait rentrer seule elle ne pouvait clairement pas le faire sur dix centimètres dans cet état.

« Je ne sais pas ce qui m’a prit, c’était stupide. J’avais juste envie de te voir je crois, mais rassure toi, c’est passé. » Ses chaussures à la main, sa robe remise en place, elle se tourna vers lui. « Je n’ai pas besoin de toi. Je n’ai besoin de personne, et quelques fois, j’ai juste besoin de me le rappeler. » Elle était déjà plus petite que lui avec ses talons mais ainsi, elle devait lever la tête pour le regarder dans les yeux. « Tu peux y aller. Et si mon sac chanel ne revient pas dans le même état je te promets que ça ne restera pas impuni. Oh il me reste cinquante dollars. Profites en pour te payer une prostituée, t’as l’air un peu tendu. » Il l’avait blessé, surement plus qu’il ne l’imaginait, et sa réponse avait toujours été l’attaque, toujours. Elle se retourna avec toute la dignité dont elle était capable, fière de sa sortie dramatique, et rencontra violemment le poteau qui était juste derrière elle et qu’elle n’avait manifestement pas vu. « Oh mon dieu. » Elle s’appuya contre le poteau, ses deux mains sur son front, essayant de faire passer la douleur et de retrouver un sol stable puisqu’il tanguait sous elle.

Clarence avait toujours été exécrable. Son besoin de critiquer, ses mots bien choisis et souvent bien blessants n'avaient conquis que peu de personnes. On ne résistait pas longtemps à ses agressions dissimulées, c'est pourquoi on préférait le traiter de râleur insatisfait plutôt que d'aller chercher plus loin. Il avait toujours été de cette trempe mauvaise et solitaire : il ne savait pas faire des compliments -il fallait bien les chercher ; il n'affectionnait personne jusqu'à ce que l'on s'en rende compte bien trop tardivement. Le fait est que le jeune homme ne laissait jamais ô grand jamais rien transparaître : un aveu de faiblesse contre lequel son père l'avait mis trop de fois en garde. Aujourd'hui il se sentait bien dans ses boucles, bien dans ses baskets. Que ça plaise ou non. Alors ce n'était pas le genre de garçon à aller chercher le pardon quand il se rendait compte qu'il a froissé la jolie femme en face de lui. Et s'il avait remarqué les yeux de Sabella s'embuer, il n'en tint pas une seule fois compte. Quand elle se dégagea de son emprise, Clay ne bougea pas d'un seul pouce. Bien sûr qu'elle n'aurait pas du l'appeler, elle n'aurait jamais dû l'appeler même pas lorsqu'il était aux bras de sa jumelle Ashleigh et qu'elle l'aguichait pour l'avoir près d'elle. Il y avait tant d'appels qui n'auraient pas du exister qu'à présent, Clay tentait de réguler chacun d'eux. Et pour cause, sa raison n'était plus là...

Sabella se lança malgré elle, sûrement aidée par son ivresse, dans un départ tragique quasiment digne des séries télés à l'eau de rose. Il ne manquait plus que la moue effrondrée. Clay fourra ses mains dans ses poches en attendant que la mascarade ne cesse tôt ou tard. « Je sais que tu n'as besoin de personne, regarde-toi tu marches sur tes deux pieds ! » La moquerie encore et toujours, tellement efficace pour contrôler les pulsions qui le poussaient à d'autres paroles. Elle le somma de partir et Clay commença à s'exécuter, reculant de quelques pas les bras levés en croix. « Tu sais quoi c'est une très bonne idée ! Je pensais que mon anniversaire était en décembre mais tu as une telle générosité. Je penserai à toi dans les bras d'une slovaque péroxydée. » Il stoppa soudainement ses pas quand un bruit sourd retentit : le nez de Sabella venait de faire connaissance avec le poteau derrière elle. Clay ne put s'empêcher cependant de pouffer comme un gamin avant de lancer : « Le karma Sabella ! » Et au lieu de la laisser en plan sur une si belle tirade, il s'avança vers elle pour la soutenir physiquement. La main sur sa taille, il observa un instant son visage à la recherche d'une jolie ecchymose qui pointait le bout de son nez avant de reporter son attention sur le métal froid du poteau : « Tout va bien, il n'a rien. » Vous avez dit imbuvable ?

Clarence était un crétin et elle n’aurait jamais du l’appeler, elle avait comprit. Elle n’admettait que rarement ses torts mais il était présentement impossible de répliquer quoi que ce soit avec lui. Il était prostré dans un comportement de rejet complet, un peu comme s’il s’en voulait d’être ici et qu’il lui faisait payer. Elle pouvait comprendre, si elle avait cherché bien entendu, elle aurait pu. Mais ce n’était pas le cas, elle n’avait pas envie de savoir, ne voulait pas voir la réalité en face, pas aujourd’hui, pas en ce moment. A la place, elle avait vu un poteau, et d’un peu trop près. Heureusement pour elle, tout l’alcool qu’elle avait ingurgité n’était pas encore tout à fait redescendu et cela lui permettait de souffrir modérément. Par contre, il était certain qu’elle le sentirait passer en se réveillant. Elle sursauta légèrement lorsque Clarence qu’elle pensait parti posa sa main sur sa hanche, sans doute pour l’empêcher de tomber. C’était prévenant de sa part vu ce qu’elle venait de lui dire. Et surprenant, il était surprenant. Elle posa le regard sur sa main et remonta le long de son bras pour finalement se concentrer sur son visage. Trop occupée à gémir, elle avait ignorée la plupart de ses répliques. « Tout va bien, il n'a rien. » Excepté celle-ci. Elle ne pu s’empêcher de sourire, il était vraiment imbuvable. S’il n’était pas en train de s’assurer qu’elle ne chute pas, elle l’aurait surement frappé. A la place, elle se contenta de sourire, simplement, réellement.

Sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte, elle avait avancé d’un pas et se tenait désormais sur la pointe des pieds, à quelques centimètres à peine des lèvres de Clarence. Pourquoi faisait-elle ça ? C’était idiot, complètement idiot. Il venait de la rejeter plus d’une fois en moins de dix minutes et elle était là, prête à sauter sur lui. Ce n’était pas possible, ce n’était pas possible, pas avec lui, pas comme ça. Elle ne pouvait pas l’avoir, peut-être était-ce cela qui le rendait si attirant à ses yeux. Voila, elle avait simplement envie de coucher avec lui. C’était simple, rationnel, elle pouvait s’en tenir à ça, sans penser à autre chose. Elle décida tout de même de se reculer et de redescendre sur terre. Ce n’était surement pas dans cet état qu’elle pourrait arriver à quelque chose, ou alors il faudrait qu’il soit au même niveau. Après avoir ramassé ses chaussures, elle tendit la main vers lui et le regarda bien dans les yeux. « Je pense que j’ai mérité mon sac puisque vraisemblablement, le karma m’a assez puni. » Elle avait prit le soin de mimer des guillemets pour le mot karma, chose à laquelle elle ne croyait absolument pas soit dit en passant. « Oh, et les brunes sont bien meilleures au lit que les blondes, heureusement que je suis là, tu te serais fait arnaquer. Hors de question que ton dépucelage se passe dans les bras d’une stupide blonde peroxydée. » Un sourire victorieux naquit sur ses lèvres. Elle avait presque l’impression d’avoir les idées claires, comme quoi, se cogner contre un poteau était efficace.

Bien sûr que Clarence était stupide. Pourquoi n'avait-il pas eu l'orgueil de ne pas répondre à l'appel de Sabella et de vaquer à ses occupations comme si elle n'avait jamais existée ? Ce qui les avait fait connaître, ce qui les liait entre eux était désormais parti. Ils ne se devaient plus rien, tout juste n'étaient-ils plus obligés de se parler. Alors pourquoi diable mettait-il autant d'énergie à se faire détester de la belle ? S'il cherchait inconsciemment à ce qu'elle lui en veuille, il tentait sans équivoque de s'en vouloir principalement à lui-même. Elle lui rappelait tant de choses. Notamment sa sœur, son sourire, sa douceur qui contrastait avec l'assurance de la jumelle. Il lui rappelait les coups d'oeil jetés de travers au croisement d'un couloir, les pensées interdites pour lesquelles il s'était giflé et pourtant il n'avait jamais rien fait de travers. Sa présence ici était elle-même une pure connerie et bien qu'il faisait tout pour la faire fuir, ne venait-il pas de la retenir ? D'abord de sa chute suite à sa belle rencontre avec le poteau et ensuite de partir tout simplement. Et même quand Sabella se hissa jusqu'à n'être à rien de ses lèvres, Clay n'esquissa aucun mouvement, aucun geste. Ses yeux bleus ne rataient rien de la scène mais il ne trahissait aucune émotion. De ce côté-là, il excellait toujours au grand damne de ces demoiselles. Embrassait-elle de la même façon qu'Ashleigh ? Cette immonde interrogation lui avait plusieurs fois traversé l'esprit et si autrefois il la chassait avec un sourire coupable, il s'en voulait alors de penser d'une morte de cette façon. Sabella décida enfin de redescendre sur terre et fit atterrir par la même occasion Clay qui était devenu étrangement silencieux. Quand elle parla du karma, il laissa échapper dans un souffle las : « Je crois aussi... » Ne venait-il pas de le punir à son tour ?

Clay déposa d'un geste brusque le sac de la jeune femme dans sa main et laissa retomber son bras. Et maintenant ? Sa dernière remarque manqua de faire hausser un sourcil sur son visage, l'air perplexe. Tenait-elle réellement à s'engager sur ce terrain-là ? Il pourrait si facilement la vexer de nouveau. Croisant les bras, il eut un rictus amusé : « Ne t'avance pas aussi vite, Potter. J'ai eu vent dans ma fougueuse jeunesse de quelques nordiques qui n'avaient pas froid sous la langue. » Il n'en avait pas fini. Elle l'avait cherché, elle allait rapidement effacer ce sourire triomphant sur ce visage aguicheur. Se penchant vers elle comme pour lui faire une confidence, il murmura, le regard pétillant de malice et de fierté : « Et t'inquiète pas pour mon dépucelage. Ta sœur a fait l'expérience de mon inexpérience. Il me semble qu'elle en était plutôt satisfaite, elle. » Ce dernier elle n'appuyait-il pas le fait qu'elle ait eu droit aux attentions de Clarence a contrario de Sabella ? Arborant une moue de champion, il se recula de quelques pas au risque de représailles. Les coups d'une femme vexé et passablement éméchée n'étaient jamais agréables à subir...

« Je crois aussi... » Si elle avait toujours eu plus ou moins du mal à suivre Clarence, c’était encore plus flagrant ce soir. Cela n’avait rien à voir avec ses capacités intellectuelles quelques peu diminuées, bien que cela y jouait sans doute mais il battait le froid aussi bien que le chaud. Ne pas avoir esquissé le moindre geste lorsqu’elle avait amorcé un baiser était un consentement silencieux. Peut-être l’idée de l’embrasser alors qu’elle était soule ne lui plaisait guère, peut-être ne voulait-il pas prendre les devants, il y avait un tas d’explications mais aucune ne serait vérifiée ce soir. A défaut d’avoir des réponses, elle avait récupéré son sac, et quelques uns de ses neurones fonctionnels. C’était en bonne voie, bientôt, avec un peu de chance elle se souviendrait où elle avait garée sa voiture et pourrait éventuellement dormir dedans, ou rentrer chez elle pour la chercher plus tard. « Ne t'avance pas aussi vite, Potter. J'ai eu vent dans ma fougueuse jeunesse de quelques nordiques qui n'avaient pas froid sous la langue. » C’était si facile, d’invoquer d’anciens souvenirs sans la moindre preuve. Certes, la réputation des nordiques n’était plus à faire, à la différence qu’il n’avait pas couché avec elle, et c’était peut-être le domaine où elle excellait le plus. « J’ai essayé une fois, ce n’était pas si réussi que ça, tu dois avoir des attentes assez basses. » Elle lui adressa un grand sourire tout en lui tapotant l’épaule.

« Et t'inquiète pas pour mon dépucelage. Ta sœur a fait l'expérience de mon inexpérience. Il me semble qu'elle en était plutôt satisfaite, elle. » Cela suffit à enlever le sourire suffisant accroché à son visage. Elle ne parlait pas d’Ash, jamais, c’était sa règle. Elle n’en parlait déjà pas quand elle était avec eux, encore moins maintenant qu’elle n’était plus. Elle ne savait pas ce qu’il essayait de faire mais elle espérait qu’il prenait son pied, parce qu’elle lui ferait payer d’une façon ou d’une autre le fait d’avoir utilisé sa jumelle pour gagner une stupide joute verbale. Il avait raison de reculer parce qu’une irrésistible envie de le frapper monta en elle, envie qu’elle n’avait absolument pas envie de refouler. Elle resta silencieuse quelques secondes, se mordillant la lèvre pour ne rien dire ou faire de stupide. En essayant de le blesser, elle était tout à fait capable de se faire plus de mal qu’à lui. Et le tuer était une assez mauvaise idée, avec toute cette histoire d’enquête, ils seraient capable de lui mettre tous les meurtres sur le dos. « Tu ne peux clairement pas rivaliser avec Enzo. Dans l’histoire, tu n’étais qu’un lot de consolation, alors tu peux ranger ton égo McPherson, tu n’a vraiment pas de quoi te rengorger. » Elle connaissait les différents qui opposaient les deux hommes, c’était facile de se servir de ça pour essayer de l’atteindre. Au final, elle ne voulait même pas le blesser mais il l’avait cherché, plus que cela même. Une main sur la hanche, la tête haute, un sourire sadique aux lèvres, elle ne le quitta pas des yeux, ne voulait pas louper la moindre de ses expressions, aussi furtive soit-elle.

Avait-il vraiment quitté son cours de droit et débarqué près de l'Oz pour aller retrouver une pimbêche en culotte courte qui à défaut de faire les bons choix s'amusait à lancer des piques, aguicher pour mieux s'éloigner. De toute évidence Clarence aurait été définitivement mieux dans sa chambre spacieuse de confrérie, à s'occuper de sa petite personne. Au moins, il n'était jamais déçu par lui-même... Il n'avait jamais été contre une petite joute verbale mais il fallait avouer que celle-ci l'épuisait. Mentalement et physiquement. Les contradictions se multipliaient et Clay n'avait pas trouvé meilleur remède que celui d'attaquer pour mieux se défendre. Maintenant que Sabella semblait avoir retrouvé ses esprits, elle était prompte à la plaisanterie, aussi mauvaise soit-elle. Lorsqu'elle évoqua ses attentes basses en matière de femme, il se contenta de sourire avec amusement. Pensait-elle réellement pouvoir le blesser sur le plan sexuel ? Elle n'en avait jamais eu la preuve ni d'Eve ni d'Adam au vu de ses relations avec sa jumelle Ashleigh. Si Clay avait un égo surdimensionné comme beaucoup d'autres ici, il arrivait à passer au-delà des sous-entendus douteux sur ses performances intimes. Ca relevait de sa vie privée et quand bien même il n'éprouvait aucune gêne à en parler, il ne se portait pas plus mal de préserver de son intimité. « Mes attentes basses ? » Il la détailla de la tête aux pieds. « J'ai pourtant résisté à la bimbo de base, robe courte et talons vertigineux. »

Même si ces dernières paroles étaient destinées à faire réagir Sabella, mentionner Ashleigh provoqua en lui un certain malaise. C'était certainement l'une des premières fois qu'il reparlait d'elle et pouvait-on parler de bons termes dans ce cas précis ? Il avait toujours refusé à ne serait-ce que prononcer son nom, par respect ou par une pudeur qu'on ne lui connaissait pas et voilà qu'il avait déballé un détail de sa vie sans même réfléchir. Il aurait pu regretter si toutefois la décomposition faciale de Sabella ne valait pas le détour. Elle avait toujours eu horreur à ce qu'on les compare toutes les deux et pour cause : Clay n'avait pas de doute quant à l'issue de la question qui est la meilleure. Soudain la riposte. S'il eut la décence de garder son visage intact, sa déglutition se fit néanmoins avec une difficulté équivoque. Ainsi Reed avait parlé de lui. Si la haine entre les deux garçons était reconnue, il préférait toujours garder les détails croustillants pour les gens qui en valaient la peine... Détournant légèrement le regard durant un instant, Clay passa sa main dans sa tignasse bouclée avant de dire d'une voix plus froide mais totalement maîtrisée : « Je vois que la stupidité de Reed est sexuellement transmissible. Il a eu la décence de ne pas se tromper de prénom au moins. » Malgré lui, son sourire s'estompa et ses traits se fermèrent. Il s'approcha de quelques pas pour se pencher vers Sabella, encore plus petite que lui. « Au fond, entre lots de consolation, il faut bien s'entraider. Maintenant tu auras peut-être la chance d'exister aux yeux des autres. » Il ne jouait plus. Elle avait touché le point sensible, elle avait été forte sur ce coup-là. Mais il n'allait pas l'accepter, pas aussi facilement. Enfin il ne lui accorda plus aucune attention. « Tu as raison. Tu n'aurais pas du m'appeler. Noyer ta misère dans l'alcool était bien plus sain pour les autres. »

Si le début de la soirée c’était bien passée, elle se transformait petit à petit en cauchemar éveillé. Elle avait du mal à comprendre comment ils en étaient arrivés là tous les deux. Ils étaient plutôt proches, avant. Trop, elle en avait conscience mais elle aimait passer du temps avec lui, ils formaient un duo assez explosif. Et ils sembleraient qu’ils aient éclatés. C’était triste, elle trouvait cela triste en réalité, plutôt mourir que de l’avouer cela dit. « J'ai pourtant résisté à la bimbo de base, robe courte et talons vertigineux. » Elle mit quelques secondes à comprendre qu’il parlait d’elle, elle n’avait rien de la bimbo classique, ou au moins elle avait la beauté. « Ne fais pas comme si tu n’en avais jamais eu envie. » Elle savait, c’était comme ça. Elle savait qu’ils avaient été proches de franchir la ligne à de nombreuses reprises mais qu’ils avaient été sages comme des images, à son grand désarroi. Toujours est-il qu’il ne pouvait pas dire qu’il avait résisté avec beaucoup de force. La seule chose qui l’empêchait de sauter le pas, c’était sa sœur. Ça l’avait été du temps de son vivant, ça l’été encore plus aujourd’hui. Ce qui n’était qu’une vulgaire joute verbale se transforma rapidement en un véritable règlement de compte et chacun y prit pour son grade. S’il resta stoïque et maitre de ses émotions, elle savait qu’elle l’avait touché là ou ça faisait mal, ne se douter simplement pas que le retour de bâton serait aussi terrible.

Il ne prit pas longtemps avant de reprendre l’avantage. « Au fond, entre lots de consolation, il faut bien s'entraider. Maintenant tu auras peut-être la chance d'exister aux yeux des autres. » Quelques secondes à peine, quelques mots pour détruire la confiance de Sabella. Quelques murmures pour la réduire en pièce, son cœur y comprit. Elle n’avait pas quitté son regard, n’avait pas bougé d’un poil. Elle ne comprenait vraiment pas comment ils en étaient arrivés là, comment il pouvait vouloir lui faire mal à ce point. Elle ne se contrôla pas et sa main partir à la rencontre de sa joue avec toute la force dont elle disposait. Il n’avait pas le droit de dire ça, il n’avait pas le droit. Sa respiration n’était plus que chaos et ses yeux s’embuèrent à nouveau. Elle lui tourna le dos et essaya de reprendre ses esprits. Ce n’était que des mots, de simples mots qui n’auraient pas du l’atteindre autant. Elle était forte, plus forte que lui, plus qu’il ne le serait jamais peut-être même. Elle pouvait se reprendre, c’était simple. Elle plaqua ses mains sur sa bouche pour étouffer quelques sanglots. Retrouvant peu à peu ses esprits, elle réfléchit aux possibles raisons pour lesquelles il était si violent avec elle, une seule retint particulièrement son attention. Elle essuya l’unique larme qui avait coulé le long de sa joue, se tourna vers lui à nouveau et releva la tête aussi fièrement qu’elle le pouvait. « Je ne suis pas elle, je ne l’ai jamais été et je ne le serai jamais. Ne me rejette pas parce que je lui ressemble. Pas toi, pas maintenant. » Elle avait tenté l’attaque, peut-être que le prendre par le sentiment pouvait avoir plus d’effets. La vérité était qu’elle ne voulait pas le voir sortir de sa vie alors qu’il était peut-être la seule personne à vraiment comprendre sur le campus.

L'abcès était percé. A leur manière c'est-a-dire à coups de coups bas et de reproches balancés sitôt qu'ils traversaient l'esprit de son auteur. A vrai dire, même Clarence ne s'était pas attendu à ce que la soirée tourne au vinaigre de cette façon. Lui qui avait la critique facile il n'était pas accouru dans le simple but de lui faire à comprendre à quel point elle ne signifiait rien pour lui. Était-ce vraiment le cas ? Bien sûr que non. Déjà quand Ashleigh faisait encore partie de ce monde, elle signifiait quelque chose pour lui. D'abord comme la sœur de sa petite amie, celle dont il avait rigolé de la ressemblance à leur première rencontre puis celle qu'il croisait à l'occasion. Puis elle avait compté de plus en plus. Trop même. Quand Sabella affirmait qu'il en avait déjà eu envie, devait-il risquer de dire le contraire ? Si le fantasme des jumelles était l'un des plus célèbres parmi les désirs des hommes, Clay lui avait aspiré à goûter aux deux mais une à la fois. Il n'était pas de ces séducteurs qui accumulaient les conquêtes comme les chemises à l'instar de Reed. Il n'était pas non plus de ces marginaux qui clamaient que les femmes ça n'existait que pour vous détourner du droit chemin. Il les choisissait consciencieusement et quand elle devenait interdite, elle devenait d'autant plus convoitée. Et aujourd'hui, s'il n'y avait jamais touché, il ne regrettait pas de ne pas avoir trahi Ashleigh. De là où elle le regardait, elle serait capable de lui faire regretter.. A cette pensée précise, il sentit la gifle claquer sa joue. Si Sabella ne s'était pas retournée pour reprendre le contrôle, sans doute aurait-il cru apercevoir sa sœur. Et c'est hébété qu'il demeura impassible, passant simplement sa main sur sa joue endolorie.

Cette fois-ci il ne pipa mot. Les spasmes de la jeune femme qui retenait ses larmes, le feu qui s'était emparé de sa joue, tout parlait de lui-même. Si ça avait été Ashleigh peut-être se serait-il approché d'elle. Il l'aurait prise dans ses bras et, incapable cependant de prononcer la moindre excuse, il aurait tenté une pointe d'humour pour rétablir l'ambiance. Il aurait humé le parfum de ses cheveux puis aurait déposé un bref baiser sur sa nuque avant de se reculer, incapable davantage d'affection. Mais ça n'était pas Ashleigh. Ce n'était que son reflet. Et lorsque Sabella se retourna pour mettre le doigt sur le problème, il se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas exploser. Elle l'avait tellement cerné lui, l'intrigant. Clay se devait de reprendre la main, quitte à demeurer mauvais une nouvelle fois. « Ce n'est qu'un ramassis de conneries. Je ne t'ai jamais rejeté pour lui ressembler au contraire. Si tu m'attires ce n'est que parce que tu me rappelles Ash'. » Faux, archi faux. « Aujourd'hui elle n'est plus là et c'est toi qui la représente, qui représente sa mémoire. Tu es son reflet et tu la salis avec ton attitude exécrable. Moi je ne suis que la transition comme tu dis, maintenant le suspect numéro un. Tu ne mérites pas de lui ressembler. » Tu n'es pas comme elle. « Tu l'ignores comme si elle n'avait jamais existée. Tout le monde autour de toi crache sur elle, sur le mystère de sa mort et toi tu te saoules tranquillement dans le bar du coin ! » Il passa sa main sur son front puis dans ses cheveux pour contrôler le flot de paroles qui débordaient de sa bouche. « Maintenant j'ai menti. J'ai un devoir pas envers toi mais envers elle. C'est uniquement pour ça que je reste à tes côtés. » Mensonge éhonté.

Elle ne s’en voulait pas de l’avoir giflé. Elle n’était pas spécialement violente mais il l’avait amplement mérité, et elle ne s’excuserait pas pour l’avoir fait. Il fit de même de son côté, prévisible. Peut-être qu’elle ne méritait pas non plus ses excuses, elle ne savait pas vraiment, qui avait commencé, pourquoi ils en étaient arrivés là. Mais si elle avait instigué une trêve, il ne l’avait pas encore rejoint au no man’s land. « Ce n'est qu'un ramassis de conneries. Je ne t'ai jamais rejeté pour lui ressembler au contraire. Si tu m'attires ce n'est que parce que tu me rappelles Ash'. » Ce qui devait visiblement être prit comme une insulte ne l’était pas tant que ça. Au final il venait clairement d’avouer qu’elle lui plaisait, ce qui paraissait logique puisqu’elle ressemblait traits pour traits à son ancienne petite amie mais ce n’était pas seulement pour ça. Compliment donc, déguisé certes, mais compliment. Elle ne put s’empêcher d’esquisser un léger sourire, sourire qui s’évanouit peu après. « Aujourd'hui elle n'est plus là et c'est toi qui la représente, qui représente sa mémoire. Tu es son reflet et tu la salis avec ton attitude exécrable. Moi je ne suis que la transition comme tu dis, maintenant le suspect numéro un. Tu ne mérites pas de lui ressembler. » C’était … Horrible, il n’y avait pas d’autres mots, c’était horrible. En plus d’être injuste envers elle, il était mesquin et continuait à parler d’elle. Encore, et encore. « Tu l'ignores comme si elle n'avait jamais existée. Tout le monde autour de toi crache sur elle, sur le mystère de sa mort et toi tu te saoules tranquillement dans le bar du coin ! » Tranquillement oui, tout à fait. Il ne savait rien au final, rien du tout, il se contentait de spéculer gaiement sur ce qu’était sa vie. Et il se trompait, lourdement. « Maintenant j'ai menti. J'ai un devoir pas envers toi mais envers elle. C'est uniquement pour ça que je reste à tes côtés. » Et le coup de grâce finit d’achever son cœur déjà fragilisé par ses mots précédents. Elle resta immobile pendant un bon moment, ayant tout simplement trop peut d’esquisser le moindre geste, peur de s’effondrer devant lui. Lorsqu’elle fut certaine de pouvoir tenir le temps de lui répondre, elle releva le regard vers lui et déclara simplement. « Tu ne comprends pas en réalité, tu ne comprends rien du tout. »

Ce qui était vrai en soit, il était à côté de le plaque, mais ce n’était pas à elle de le lui dire, elle n’avait aucune envie de lui parler désormais. Lâchant ses affaires au sol, elle recula d’un pas pour s’assoir de nouveau sur le trottoir, les pieds dans le caniveau. A deux secondes près, ses jambes auraient sans doute lâchées. Elle tremblait tellement qu’elle ne pouvait tenir debout. Elle ne voulait plus parler d’Ashleigh, ne voulait plus penser à Clarence ni à ce qu’il venait de dire. A vrai dire, elle ne voulait plus penser du tout. Fixant une affiche de l’autre côté de la route, elle resta simplement assise, presque catatonique, attendant qu’il s’en aille, ses excuses si jamais elles venaient à arriver ne vaudraient pas grand-chose à ce stade là.

Ce flot de paroles typique de Clarence était irréfléchi. Lui qui ne se gênait pas de dire ce qu'il pensait, il n'avait pas prévu que ces dernières paroles ne soient à double tranchant. Parler d'Ashleigh n'était pas fait non seulement dans le simple but de blesser Sabella -il avait déjà bien trop d'anecdotes en tête pour l'anéantir s'il le souhaitait, peut-être voulait-il se bouleverser à son tour. Car si Clay était solide comme le roc, imperturbable, qu'on n'avait jamais vu pleurer ni montrer des émotions qui s'avéraient gênantes comme l'avait toujours dit son père, cette dernière affaire achevait de l'entamer lentement. Il avait pris l'initiative de parler d'elle pour ne pas qu'on prenne la décision à sa place. Il voulait engager le sujet pour être certain de le maîtriser. Sabella ne le supportait pas. Déjà de son vivant, elle ne désirait parler d'elle. Il n'avait trouvé que ça pour l'atteindre, à défaut de pouvoir le faire par d'autres moyens. Ils étaient tous les deux brisés par un décès et c'était bien les deux dernières personnes qui le laissaient transparaître. Elle ressentait la même chose que lui à ce moment précis mais tout comme lui, elle le gardait jalousement. Quand elle lui reprocha de ne pas comprendre, il ne put qu'approuver silencieusement. « Effectivement. Tu ne m'aides pas à comprendre, Potter. » Il la laissa choir dans le caniveau, toute tremblante. Non il n'allait pas s'excuser, ni la prendre dans ses bras. Il n'allait pas changer de sujet comme si de rien n'était. Après tout c'était elle qui avait composé son numéro, elle devait assumer la colère qu'elle avait provoqué. « Il n'y a rien à comprendre. Tu te complais dans une attitude et une réputation détestable pour te remarquer, c'est tout ce que je vois. Fréquenter des gens comme Reed qui croient que tout leur est du, qu'ils peuvent tout avoir -à commencer par toi en claquant des doigts, ça ne me donne pas une grande estime de toi. »

Sa voix était légèrement plus posée quand bien même il était conscient qu'il n'arrangeait pas la situation. Il avait été déçu d'être relégué au second plan. D'abord par Ash' qui ne parvenait pas à oublier une relation avec un connard de première et ensuite Sabella qui ne pouvait s'empêcher de le lui rappeler. Clarence n'était pas un garçon de secours. C'était clair. « Et bien je suppose que je vais rentrer à cheval tout seul. » Au vu de la prosternation de Sabella, sans doute préférait-elle son départ imminent. Au final, il n'était venu que pour amorcer la dispute et si se quitter sur de tels mots l'agaçait quelque peu mais il avait trop de fierté pour entreprendre la réconciliation. Il ne tenait pas à une deuxième claque toutefois. Fourrant les mains dans ses poches comme à chaque fois qu'il se déconnectait de la réalité, il descendit du trottoir pour faire face à Sabella. C'était la fin ?