Être une soeur Omega Phi impliquait un tas d'avantages. Néanmoins, la règle la plus importante pour prétendre à ce titre était de posséder une image respectable. Les OP se devaient de représenter les jeunes femmes idéales par excellence et parvenir à obtenir et conserver le respect et l'admiration du corps administratif de l'université ne se faisait pas sans sacrifices. Les filles ne devaient prendre part à aucun scandale et se tenir éloignées de tout ce qui pouvait entacher leur sacro-sainte réputation. Or, Bethany faisait face à un problème de taille : l'image sulfureuse de Manoé à laquelle il fallait mettre un terme. La rouquine était sans nulle doute l'Omega Phi de qui elle était la plus proche. Elles s'entendaient particulièrement bien, Manoé était très investie dans la sororité et son caractère doux et rêveur s'accordait particulièrement bien avec les personnalités de ses soeurs. C'était une fille conciliante et de confiance, tout ce que la brunette appréciait. Néanmoins, elle possédait l'une des réputations les plus sulfureuses de tout le campus et contrairement aux traînées qui ne méritaient pas mieux, Manoé n'avait absolument rien fait pour mériter ça. Mais tant pis, les racontards enflaient et si cela continuait, le Bureau ne tarderait pas à prendre des mesures et à évincer la rouquine. Ce que Beth souhaitait plus que tout éviter. Manoé souffrait de cette image dégradante et fausse et la sororité allait en pâtir, à la longue. Il fallait agir, et vite. C'est pourquoi, après s'être assurée que Noélie ne se trouvait pas dans leur chambre, Bethany frappa distinctement à la porte, avant de s'y engouffrer. « Manoé, tu as une minute ? » s'enquit Bethany, tandis qu'elle offrait son plus joli sourire à la rouquine. Sans attendre sa réponse, elle se laissa choir avec élégance dans un fauteuil et laissa son regard parcourir la pièce joliment décorée en attendant la réponse de sa soeur. Plus tôt le problème sera endigué, moins les répercussions seront importantes...

Manoé n'avait pas encore eu le temps de bouger de sa chambre, trop occupée à lire un bouquin pour l'un de ses cours, elle n'avait d'ailleurs pas encore prit le temps d'enfiler ses vêtements. Cela expliquait son accoutrement du jour, les cheveux relevés en un chignon négligé, des lunettes à monture noire sur le nez et un simple pyjama comme tenu. Certes, cela n'était pas très présentable mais elle n'avait pas envie de sortir de sa chambre pour le moment, elle était absorbée par ce qu'elle avait entre les mains. Sa colocataire avait quitté la chambre de bonne heure et Manoé n'avait pas vraiment chercher à savoir où elle allait. Elles n'étaient pas meilleures amies toutes les deux, elles ne faisaient que partager une chambre. Soudainement, un claquement contre la porte se fit entendre. Tirant Manoé du récit qu'elle tenait. « Oui ? » Avait-elle dit d'une voix claire et distincte tout en déposant son bouquin sur sa table de nuit, fixant la porte de ses iris. Elle fût ravie de voir Beth faire son apparition dans la pièce. C'était sans aucun doute la soeur avec qui elle s'entendait le mieux, et en plus c'était sa présidente. « Manoé, tu as une minute ? » l'étudiante avait quitté son lit pour aller s'asseoir face à Beth que un autre des fauteuil de cette pièce. Elle ne savait pas vraiment si c'était pour quelque chose de positif ou non. Si elle devait craindre quelque chose ou non. Cette façon de formuler la question n'était pas commune à vrai dire. Tentant de se rassurer, celle-ci souriait , montrant ses dents blanches. « Bien entendu... je t'écoute Beth. Qu'est-ce que tu veux me dire ? Si c'est pour ce qu'on entend partout ... » Elle faisait bien entendu référence à sa réputation plus que sulfureuse. « Tu sais bien que je n'y peux pas grand chose. » Elle savait que cela nuisait à sa sororité mais elle ne contrôlait plus ces rumeurs depuis bien longtemps.

Bethany esquissa un sourire amusé à la réplique de Manoé. Elle avait à peine eu le temps de proférer trois mots que déjà, la rouquine savait de quoi il en retournait. Certes, il faut dire qu'elle demandait rarement à ses interlocuteurs - du moins, pas à ses amis - si ils avaient du temps à lui consacrer. Cette formulation était rarement bon signe et Manoé l'avait particulièrement bien saisi. A croire qu'elle lisait dans ses pensées. Ce qui aurait d'ailleurs été une calamité, vu la teneur de celles-ci la majeure partie du temps. Hum. « C'est là que tu as tort, Man'. » commença-t-elle d'un ton enigmatique tandis qu'un grand sourire fendait son visage de poupée. Bethany adorait sentir son interlocuteur suspendu à ses lèvres et ne résistait jamais au plaisir de faire durer le suspense, telle la conspiratrice de couloir qu'elle n'était absolument pas. « Tu n'y es peut être pour rien, mais tu as le pouvoir de les faire cesser. » C'était simple, il lui fallait un homme. Oh, bien sûr, pas une vraie relation. Beth savait Manoé bien trop idéaliste et amoureuse du prince charmant pour sortir avec un garçon pour qui elle n'éprouvait rien. Mais il lui fallait une relation de façade avec un étudiant respectable. Il ne suffisait pas grand chose : une cérémonie de la bougie, quelques baisers factices et des apparitions publiques parfaitement léchées où deux jeunes gens sublimes et parfaitement assortis balanceront leur bonheur illusoire à la face de la MVU. Bien sûr, il fallait que l'homme en question soit de confiance et mette sur pied une nouvelle rumeur de son invention. Comme quelque chose sur l'hymen intact de Manoé par exemple. Une traînée vierge n'en était pas une, n'est-ce pas ? Ou alors sur sa pudeur et sa réserve. Bref, contrecarrer les rumeurs par d'autres, bien plus flatteuses. Et Bethany connaissait la personne idéale pour ça... Enjouée par cette idée, la jolie brune reporta son attention sur sa soeur, l'air théâtral : « Il te faut un petit-ami. Une relation lisse, stable et crédible. Factice, certes. » Inspirée, Bethany haussa avec désinvolture ses épaules comme si ce dernier point n'était qu'un vulgaire détail. « Il suffit de montrer aux étudiants une histoire d'amour mièvre tout droit sortie d'un conte de fée et de la saupoudrer des rumeurs que tu auras toi-même choisies pour désamorcer les anciennes. » La brunette esquissa une moue pensive, avant de reporter un regard pétillant sur Manoé, accompagné d'un sourire innocent : « Et ça pourrait commencer par ta virginité. Une fille qui veut attendre de se donner à un homme ne peut pas être la reine des traînées que tout le monde décrit, n'est-ce pas ? » Tout en triturant de façon inconsciente le pendentif à l'éffegie des OP qui ornait son cou - et que chaque soeur possédait - Bethany conclut, d'un ton parfaitement serein : « Qu'en penses-tu ? »

« C'est là que tu as tort, Man'. » le regard de la rouquine resta collé aux lèvres de sa soeur. Elle tombait des nues, elle qui l'avait toujours soutenue semblait changer d'avis aujourd'hui. Une vaste blague ? Soudainement Manoé ne savait plus trop quoi en penser. Jamais de sa vie elle n'avait voulu de cette rumeur. Elle s'était créé malgré elle suite à des refus à de nombreux blaireau qui ne voulait qu'une chose : la mettre dans leurs lits. Ceux-ci blessés, vexés, touchés dans leurs ego n'avait rien trouvé de mieux à faire que de balancer des horreurs sur le dos de l'étudiante. Elle avait bien tenter de tout nier mais c'était en vain, tout le monde s'en foutait pas mal et préférait la rumeur. Ne sachant pas vraiment quoi répondre à cela Manoé se contentait de jouer avec sa mèche de cheveux, l'enroulant autour de son doigt pour la dérouler d'un geste gracieux. « Tu n'y es peut être pour rien, mais tu as le pouvoir de les faire cesser. » Celle-ci fronça légèrement les sourcils, se demandant bien ce qu'elle pourrait y faire. Beth semblait avoir une idée derrière la tête mais Manoé n'était pas sûre de vouloir l'entendre. Peut-être que cette idée lui ferait peur. La ferait fuir. Cependant elle voulait l'entendre. Faire un effort pour que tout cela cesse. « Qu'est-ce que tu as derrière la tête Beth ...» Elle était attentive. Prête à beaucoup de choses ... cependant si cela touchait à ses valeurs elle s'accordait le droit de refuser. Elle n'avait pas envie d'être virer de sa sororité qu'elle voyait comme quelque chose d'exceptionnel. Elle se sentait aimé comme jamais elle ne l'avait été avant ses études universitaires. « Il te faut un petit-ami. Une relation lisse, stable et crédible. Factice, certes. » Pardon !? Une fausse relation. Un mensonge ? Elle était pas sûre d'être suffisamment bonne actrice pour cela. Cela impliquerait trop de complication pour elle et puis ... qui accepterait de jouer son prince charmant tombé de nul part !? Cependant elle ne broncha pas , préférant que sa soeur termine son discours avant de s'exprimer sur la situation. Avant de lui dire ce qu'elle en pensait ... Pour le moment pas grand chose à vrai dire. « Il suffit de montrer aux étudiants une histoire d'amour mièvre tout droit sortie d'un conte de fée et de la saupoudrer des rumeurs que tu auras toi-même choisies pour désamorcer les anciennes. » Manoé restait silencieuse. Grimaçant légèrement. Ses talents d'actrices pouvaient être comparés à ceux d'un kiwi. Vraiment, elle n'avait jamais su mentir. Son père savait pertinemment quand elle disait la vérité ou non. Peut-être était-ce parce qu'il la connaissait. « Et ça pourrait commencer par ta virginité. Une fille qui veut attendre de se donner à un homme ne peut pas être la reine des traînées que tout le monde décrit, n'est-ce pas ? » Manoé esquissa un vague sourire. Un sourire qui se voulait rassurant pour Beth. « Je ... tu dois certainement avoir raison ... » Son regard se fixa sur le pendentif avec lequel Bethany jouait. Elle avait le même. Toute possédaient ce bijou qui leur rappelais le lien précieux qui les unissait. Elle devait essayer ... pour elles. Pour toutes ces soeurs que sa réputation de Marie couche-toi-là atteignait. « Qu'en penses-tu ? » La rousse haussait légèrement les épaules, pensive. « Je ... Je sais pas. Je suis pas sûre d'être à la hauteur de ce que tu me demandes... Je suis pas sûre de pouvoir savoir faire ça. Si tu le désires vraiment. Si tu penses que c'est bon pour chacune d'entres nous. Chacune de nos soeurs ... Je veux bien essayer... Mais je ne suis pas sûre que tu puisses trouver quelqu'un pour jouer le rôle de prince charmant. Ce prince n'aurait rien à y gagné puisque notre relation s'arrêterait à l'apparence... »

Bethany mettait en avant la sororité parce que c'était ce que son rôle de présidente lui demandait. Mais en réalité, si elle souhaitait tant mettre un terme à cette rumeur dégradante, c'était autant pour le bien être des OP que pour celui de Manoé. La jolie brune savait que sa soeur souffrait de la situation bien qu'elle était à la fois trop fière pour l'avouer et peu encline à s'épancher sur elle-même, de peur de déranger. Mais Manoé était une fille bien, qui méritait mieux qu'une image salie. Néanmoins, Beth savait que la pilule passerait bien mieux si elle mettait en avant le bien-commun, celui de la sororité, plutôt que le bien-être de Manoé. L'idée n'était pas de mettre la jeune femme mal à l'aise en la plaçant au centre des attentions, loin de là. Manoé n'était pas le genre de fille à apprécier un trop plein d'attention. Comme la rouquine par le début de sa réplique, Bethany se hâta d'enchaîner pour lui exposer son idée. Il ne fallait pas qu'elle s'inquiète : la brunette allait tout faire pour étouffer les rumeurs et consolider sa place au sein de la sororité. Le temps qu'on ne la décevait pas ni ne la trahissait, Bethany était la plus fidèle alliée des Omega Phi. Elle agissait envers ses soeurs comme une louve avec sa portée : elle était protectrice au possible. Néanmoins, le Bureau National chargé de veiller à la réputation immaculée de la sororité au sein des différents campus était nettement moins bienveillant et même elle ne pouvait rien contre lui. Ils évinçaient et remplaçaient avec une facilité déconcertante. Et si Bethany avait gagné le soutien de l'administration de la MVU, cela ne les protégeait pas du Bureau. Loin de là. Et elle n'avait pas envie de voir Manoé sanctionnée à cause d'une réputation sulfureuse aussi fausse que sordide. Le sourire de Bethany s'élargie en une esquisse ravie et radieuse à l'approbation - certes, timorée - de Manoé. Parfait. Néanmoins, elle la coupa alors qu'elle exprimait ses réticences, et un manque de confiance en elle assez improbable à la vue de son physique exemplaire et de sa personnalité lumineuse. Bethany lui saisit la main, qu'elle pressa affectueusement en signe de soutien, avant de la lâcher pour reprendre la parole. Sans quitter la rouquine des yeux. Il fallait que la moindre de ses paroles soit ingérée et analysée par la rouquine. « Je t'arrête tout de suite, Man'. J'ai confiance en toi, tu seras parfaitement à la hauteur. Et c'est la meilleure chose à faire. Pour la sororité, certes, mais également pour toi. Je sais qu'à la longue tu estimes que cette rumeur sordide ne t'atteint plus, mais on sait toutes deux qu'au fond, c'est faux. » Beth lui adressa un sourire sincère avant de reprendre : « Le rôle a déjà été attribué. » commença la présidente d'un ton mystérieux, reprenant les propres mots de Manoé. « A l'origine, j'avais songé à Cameron. Il est intelligent, très mignon, touchant et sensible. Mais vous êtes trop semblables sur de nombreux points et j'ai peur que vos principes vous empêchent de jouer pleinement le jeu. » Son ton se fit plus enjoué, presque badin, tandis qu'elle continuait : « Elliott est tout désigné pour ce rôle. Il est le fils à papa par excellence, bien éduqué, gentleman et Président de la fraternité dont nous sommes la plus proche. Sans oublier qu'il est très doué pour sauver les apparences. » Bethany guettait, fébrile, la réaction de son amie. « Ne t'en fais pas, la mascarade ne devrait pas trop durer. Juste le temps d'étouffer la rumeur et d'en distiller une nouvelle beaucoup plus saine. » Bien sûr, il faudrait faire cela de la meilleure des façons : une cérémonie de la bougie, accrocher les lettres des STI autour de son cou et quelques sorties publiques. En espérant qu'Elliott sache se tenir tranquille jusque là, sans quoi elle devrait recommencer à zéro et partir à la recherche d'un nouveau candidat idéal. Avant de fournir tous les détails à Manoé, Bethany se saisit innocemment de son sac, afin d'en sortir une enveloppe d'un joli rose pâle. « Tiens, c'est pour toi. Que serait un conte de fée sans la tenue adéquate ? » La jolie brune tendit l'enveloppe à Manoé avant d'esquisser un très léger clin d'oeil. Décidément, le rôle de Marraine la Bonne Fée était plus excitant qu'elle l'aurait pensé. La rouquine était son amie et Bethany lui devait bien une somme d'argent assez coquette pour s'offrir la tenue idéale lors de sa première apparition publique au bras d'Elliott. Après tout, elle savait les efforts qu'elle demandait à Manoé...