« Monsieur le Doyen, il est important que vous compreniez que nous ne sommes pas ici pour ruiner la réputation de votre université ou je ne sais quoi d’autre. Nous sommes là pour trouver qui a tué Ashleigh Howard.
- Et vous, monsieur…
- Rozen. Agent Demeter Rozen.
- Et vous agent Rozen vous devez comprendre que cette histoire nous met, le Conseil d’Administration de Michigan Valley University et moi-même, dans une situation inconfortable. Cette histoire de meurtre nous a déjà fait perdre trois places dans le classement national de l’enseignement supérieur. Sans parler de l’association des anciens élèves qui a fait preuve de pression pour que l’on triple le nombre d’agents de sécurité sur le campus.
- La famille de mademoiselle Howard a besoin de connaître la vérité.
- Et nous vous avons déjà offert toute l’aide que nous pouvions... .
– C'est faux. »

Les regards surpris du Doyen et de mon coéquipier se tournèrent vers moi. Depuis le début, je m'étais fait discret, attendant mon heure pour agir. Mais ce Rozen était vraiment trop coincé, et c'était pas comme ça qu'on allait obtenir des informations ! 'Oh, oui, Sullivan, on essaie d'abord d'y aller doucement, hein ?' Non mais quelle c*nnerie ! Ca se saurait si on pouvait obtenir quoi que ce soit sans secouer un peu les gens ! Et puis, très franchement, Fitzgerald me tapait carrément sur le système, avec ses airs supérieurs, un peu comme Rozen, des p*tains de petits intellos, quoi ! Ils faisaient bien la paire, ceux là ! Tant pis pour ce que j'avais promis à mon coéquipier avant l'entretien, ça ne menait à rien et on perdait notre temps pendant que notre tueur se baladait sans doute tranquillement dans la nature, entre un beer pong et une nana à sauter dans un coin !

« Vous savez très bien que vous faites tout pour nous mettre des bâtons dans les roues, et ça suffit. Vous aimez peut être ces petits jeux, Monsieur le Doyen, mais nous, on n'est pas vos larbins de la faculté. On est la police, et vous feriez bien de vous méfier, coopérer, et nous donner ce dont nous avons besoin, sinon, je ferai personnellement en sorte que vous soyez dans la m*rde !
- Monsieur, ces accusations sans preuves sont particulièrement déplacées, calmez vous.
- Je suis très calme. Et ces accusations ne sont pas sans preuves. Nous avons un grand nombre d'éléments qui nous font penser que votre école est responsable de la mort de Mademoiselle Howard, et vous avez tout intérêt à être de notre coté, si vous voulez éviter d'aggraver encore votre cas. »

Évidemment, c'était du bluff. Le vieux avait été très efficace en nous gênant dans notre enquête, mais ça, jamais je ne l'admettrai ! Je suis flic, quoi, représentant de l'ordre et de la loi, et le premier richard corrompu venu ne devrait pas pouvoir contourner le système et essayer de jouer au plus malin avec moi. Ah, si seulement les méthodes plus musclées étaient encore autorisées...

« J'en prend bonne note, et j'espère que votre enquête continuera à avancer d'une manière aussi encourageante. »

Fitzgerald savait qu'il était encore en position de force, et tout le bluff du monde ne lui ferait pas peur, malheureusement. P*tain, c'était vraiment trop frustrant ! Crispé sur ma chaise, et me retenant de ne pas hurler sur mon interlocuteur, je me tournai vers Rozen, pour qu'il prenne la relève, même si, très franchement, je pensais qu'il n'arriverait à rien et allait se planter en beauté.

Avant que nous entrions dans le bureau de monsieur le doyen, nous nous étions mis d’accord pour que Sullivan, mon coéquipier, ne fasse pas de vagues. Il avait don été convenu pour qu’il n’intervienne qu’en cas de réelle nécessité. Mais le fait est qu’il n’était pas capable de se la boucler pendant cinq minutes. Lorsque Sullivan prit la parole, pour couper le doyen qui plus est, je sentis mes dents grincer. Je l’écoutais puis, lorsqu’il se tourna vers moi, je tâchais de rattraper la chose.
« Sans compter que vous savez parfaitement que nous avons besoin d’interroger les sœurs d’Omega Phi. Mais pour cela nous avons besoin de la liste des membres de cette sororité dont mademoiselle Howard faisait partie. » Notre problème majeur venait du fait qu’en tant qu’officiers de police, nous n’avions pas le droit d’interroger les étudiants de MVU et le personnel de l’université, ni même de perquisitionner quoi que ce soit. Toutes nos démarches sur le campus devaient se faire avec l’accompagnement de la police interne à l’université. C’était très frustrant, mais c’était surtout la loi et nous ne pouvions pas passer outre sans quoi toute notre enquête pourrait se retrouver bloquée au tribunal, rendant toutes les preuves récoltées irrecevables.
« Nous n’avons pas le droit de nous déplacer sur le campus sans l’accompagnement d’un agent de sécurité interne à votre université. C’est la loi et vous le savez très bien, soupira mon coéquipier.
- S’il vous plait. »

Il y eut alors un moment de silence pendant lequel le doyen sembla réfléchir. Il se savait dans un cul-de-sac et devrait tôt ou tard cesser de nous mettre des bâtons dans les roues. Cela faisait maintenant trois mois que nous étions sur l’affaire Howard et nous n’avions pour le moment pas la moindre piste. L’administration de la MVU faisait tout ce qu’elle pouvait pour étouffer l’affaire et éviter que la presse ne s’emmêle, et les présidents de toutes les confréries du campus avaient fait marcher leurs relations pour nous empêcher d’enquêter du côté de leurs pavillons. Voilà pourquoi nous avions besoin de l’intervention du doyen pour enfin avancer vers la résolution du meurtre de cette pauvre étudiante. Nous étions à l’aube d’une nouvelle rentrée universitaire, et j’étais bien décidé à trouver le coupable. Chercher du côté du Greek System me semblait être une piste intéressante.
Étrangement, je m'attachais beaucoup à cette affaire. Fraichement fiancé, j'avais d'ailleurs passé des nuits entières à éplucher le dossier sous les soupires exaspérés de ma fiancée. Maintenant que je m'approchais de mes trente-trois ans, je savais que je n'offrais surement pas à Bianca la vie dont elle avait rêvé. Mais elle allait épouser un flic, elle devait savoir dans quelle histoire elle s'embarquait. Toutefois, l'impact de l'affaire Howard sur notre vie de couple commençait à m'inquiéter et le dernier reproche en date formulé par Bianca résonnait encore dans ma tête "J'ai l’impression que tu passes plus de temps à penser à cette Ashleigh plutôt qu'à moi et à notre mariage". Et malheureusement, parfois, j'en venais à me dire qu'elle n'avait peut être pas tord.

Voyant que le doyen ne semblait pas désireux de nous accorder son assistance, je repris la parole :
« Écoutez monsieur le doyen. Nous vous laissons jusqu’à la fin de la semaine pour réfléchir et nous donner toute l’aide et l’accompagnement dont nous avons besoin pour mener à bien notre enquête. Si vous vous obstinez dans cette voie, nous irons directement au bureau du procureur et je suis sûr que lui saura vous convaincre… Et cela ne sera peut être pas à votre avantage. »
Je fis un sourire au doyen pour lui montrer que nous n’étions pas son ennemis puis nous nous levâmes pour sortir du bureau du doyen. En ouvrant la porte, je me retrouvais nez à nez avec une jeune femme d’origines asiatiques, qui attendait visiblement son tour pour s’entretenir avec le doyen. J’ordonnais d’un geste de la tête à mon coéquipier de me suivre et nous quittâmes les bureaux de l’administration.

Jamie Sasaki attendait dans le couloir attenant au bureau du Doyen Fitzgerald, à qui elle avait demandé une entrevue. Elle était assise sur une chaise, se tordant les mains, genoux serrés, alors que des voix résonnaient à l'intérieur du bureau : la police était là, elle avait croisé les officiers dans le couloir quand ils étaient arrivés, pour cette affaire de meurtre.
Quelle sombre affaire... une pauvre fille assassinée sur le campus même. Jamie la connaissait vaguement, puisque Ashleigh Howard suivait un cours de maths niveau débutant. Et pour diverses autres raisons qui avaient stimulé sa demande de rendez-vous auprès du doyen.

Si nous n'étions pas dans un contexte critique comme celui d'un meurtre, la jeune professeur assise dans le couloir à se ronger les ongles aurait pu paraître anodin, un simple détail. Mais le visage anxieux de Jamie, les voitures de police et autres pouvaient désormais la faire paraître suspecte. Elle avait d'ailleurs d'excellentes raisons de s'inquiéter.
La porte s'ouvrit alors sur deux officiers de police en costume, visiblement contrariés. Le Doyen avait dû s'opposer à leurs demandes, ou empiéter sur leurs plates-bandes. Jamie se fichait de ça pour l'instant, elle devait simplement parler au Doyen de toute urgence.

Lorsque les flics sortirent, l'un d'entre eux lui fit signe qu'elle pouvait entrer. Jamie se leva, tira sur sa jupe de tailleur serrée et légèrement courte, épousseta son chemisier blanc, lissa ses longs cheveux noisette teints. Le Doyen l'invita à s'asseoir, alors que le coeur de Jamie battait fort, à cause de l'anxiété. A peine fut-elle assise, que d'un geste, sans rien dire, il l'invita également à parler. « Professeur Fitzgerald, je dois vous parler de quelque chose d'important... à propos de Ashleigh Howard. » Jamie se remit à se tordre les doigts, hésitant quelque peu, puis finit par laisser éclater le cours de sa pensée. « Je n'y suis pour rien, professeur, je peux vous l'assurer, mais j'ai peur que la police ne mette la main sur les recherches de Howard à mon sujet ! Vous savez ce qu'il se passera dans ce cas-là... »
Le Doyen acquiesca d'un air contris « Le FBI viendra vous chercher pour vous poser des questions et vous serez sur la liste des suspects, professeur Sasaki. Je dois admettre que ce serait très fâcheux si le nom d'un de nos professeurs était sur cette liste. Pouvez-vous me rappeler exactement ce qu'il s'était passé avec mademoiselle Howard ? »
Jamie soupira, se passant une main dans les cheveux. C'était une plutôt belle femme, voire même très belle, vestige d'une ancienne vie qu'elle préférait oublier. Outre avoir suivi un cursus de mathématiques à l'université prestigieuse de Waseda à Tokyo, elle avait eu une double vie assez particulière qu'elle aurait préféré laisser sous le tapis. « Vous le savez, professeur, tout est dans mon dossier, même si ca n'est pas sur mon CV. Vous savez très bien que pour pouvoir décrocher un diplôme en mathématiques, j'ai dû payer moi-même mes études. Vous avez tous les papiers, mon ancien contrat dans l'agence de talents, mes lettres de démissions, mon formulaire de changement de nom... »
Le doyen acquiescait lentement au son de la voix de Jamie. Autrefois, Jamie alternait son statut d'étudiante et sa célébrité. Elle était plus exactement une gravure idol très réputée, ces mannequins posant très dénudées - comprendre : en maillot de bains ou en sous-vêtements, jamais nue - et ayant une notoriété gigantesque dans le marché otaku japonais. Cependant, elle avait également eu des expériences très mauvaises là-bas et avait voulu essuyer les scandales dont elle avait été victime sous son ancienne identité, pour partir de Tokyo.
« Professeur Fitzgerald, je n'ai pas l'intention de laisser la police mettre le nez dans mes affaires à cause d'une petite fouine qui aura cherché trop loin... » « Surveillez votre langage, professeur Sasaki ! » « ...excusez-moi. J'ai un alibi, professeur, je peux le faire vérifier sans souci, je suis innocente dans cette histoire, mais je vous demande juste d'être discrets. Vous me faites confiance, je vous fais confiance... »
Il acquiesça d'un air calme. « Ne vous inquiétez pas pour cela. Je ferai le maximum dans ce sens. Vous pouvez continuer à donner vos cours et vos conférences comme à votre habitude. »
Jamie se leva, et s'inclina profondément devant le Doyen, réflexe gardé de son éducation nippone. Elle le remercia, et quitta la pièce, légèrement rassurée, mais toujours anxieuse.

Marchant d'un pas rapide dans la section administration du campus, plongée dans ses pensées, elle heurta alors de plein fouet une silhouette dissimulée derrière quelques bouquins, qui s'étalèrent au sol : Bianca Landry, la bibliothécaire du campus, une grande blonde peroxydée au nez proéminent.
Jamie s'exclama, puis s'agenouilla pour ramasser les livres tombés en s'excusant. « Oh je suis désolée Bianca, je ne vous avais pas vue, j'étais perdue dans mes pensées... » Mais pressée de quitter le bâtiment, Jamie ne s'attarda pas. « Bonne journée. » fit-elle, pour disparaître dans le couloir, ses escarpins à talons aiguilles claquant sur le carrelage sur un rythme vif et dynamique.

La bibliothécaire de la Michigan Valley University faisait valser avec aisance sa chevelure blonde qui ne passait fort heureusement jamais inaperçu. Bianca Ruby Landry s’était éclipsée de la bibliothèque afin de déposer quelques bouquins d’anthropologie culturelle au professeur qui l’enseignait, de plus, elle avait du passer un appel à son cher petit-ami – et accessoirement futur époux - qui n’avait pas pris la peine de lui dire bonjour quelques heures plus tôt alors qu’elle avait apprit qu’il était venu ici. Sa conversation épicée prenant fin, la blonde contrôla que personne n’avait été présent, étant donné le langage qu’elle avait pu utiliser. Alors que Bianca s’assurait d’être irréprochable devant les enseignants – un peu moins devant les étudiants – il faut avouer que le naturel revenait au galop lorsqu’elle s’adressait à ses amis, sa famille et compagnie. Elle avait une excuse, elle était blonde. Ce qui, évidemment, ne prouvait rien étant donné sa culture générale et le fait qu’elle n’appréciait pas suffisamment les vieillards pour coucher avec eux, donc non, la promotion canapé n’avait pas été utilisée envers les membres de l’administration de la MVU pour accéder à ce poste. Mais soit, qu’on la prenne pour une idiote ne la dérangeait pas outre mesure. Alors qu’elle venait de ranger son téléphone portable sans que sa pile de livre ne s’écrase au sol, un facteur extérieur l’y aida. En effet, le professeur de mathématiques percuta Bianca et ses livres, cette dernière se retrouva contre le mur, échappant de peu à la chute, ce qui aurait été une bénédiction pour quelques étudiants pervers que de voir Bianca les quatre fers en l’air. Et bien, non. Alors que la jeune asiatique aida la bibliothécaire à ramasser ses livres, elles échangèrent deux trois mots avant de poursuivre l’une et l’autre leurs chemins.

« On dirait que j’ai fais le trottoir toute la journée, regarde moi ça ! » Bianca débarqua dans l’infirmerie en cherchant Elisha du regard qu’elle trouva à son bureau, à quelques pas de l’entrée. Une fois qu’elle eu capté son regard, la bibliothécaire leva légèrement la jambe afin de montrer son genou et surtout son collant troué à ce niveau là. Sa robe, trop courte d’après le règlement intérieur, ne cachait évidemment pas son collant couleur chair. Une fois arrivée au niveau de l’infirmière, Bianca prit place sur une chaise inoccupée. Là, elle retira ses escarpins noirs, « des Louboutins ou rien » aurait pu être le leitmotiv de Bianca, c’est pour dire. « J’ai du me faire ça en mettant un genou à terre… Non, Demeter n’est pas passé me voir. » Esquissant un sourire, la bibliothécaire venait de retirer son bas qui finit à la poubelle la seconde suivante. « Au fait, il y avait entrainement d’aviron ce matin, c’est dans ses moments là que je me dis que j’aurais préféré être entraineur sportif, la transpiration en moins. » Certes, Bianca était bibliothécaire mais elle était une femme avant tout. Ses fantasmes actuels étaient les uniformes et les sportifs, pas forcément dans cet ordre. Parcourant des yeux le bureau de sa collègue, elle vit un pot où se trouvaient plusieurs sucettes, Bianca se servit sans gène. « Je fais surement de l’hypoglycémie sans le savoir. » La gourmandise était l’un des péchés qu’elle possédait, ce n’était clairement pas le seul. L’infirmière n’eut rien le temps de dire que déjà la jeune femme aux allures de pécore reprenait, tout en se levant et en se dirigeant vers les fenêtres, pieds nus. « Oh… » Elle hésita un instant avant de se retourner dos à la fenêtre. « J’ai horreur de croiser la sœur d’Ashleigh dans les couloirs, heureusement que ce n’est pas une fana de la bibliothèque. » Contrairement à l’étudiante décédée. Bianca adorait les élèves comme Ashleigh. Ou particulièrement cette dernière. Qu’importe. Au jour d’aujourd’hui, elle la détestait deux fois plus qu’elle ne l’appréciait auparavant tellement elle n’en pouvait plus d’entendre parler d’elle. Que ce soit dans son travail, mais surtout chez elle. Son fiancé ne parlait quasiment plus que de ça et à vrai dire, elle ne le supportait plus vraiment. Quitter son travail n’était pourtant pas une option. Quitter son fiancé… Non plus. Elle espérait donc juste que cette affaire soit terminée.

« Je crois que je devrais retourner travailler. Surtout si je croise un rameur dans les couloirs. Promis, si j’en trouve trois, je t’en ramène un. » Après un clin d’œil amical, Bianca fit glisser ses pieds dans ses escarpins et, après s’être recoiffée et légèrement remaquillée, elle proposa à Elisha de sortir ce soir-là. Rester seule chez elle pendant que son copain flirtait avec Ashleigh-la-morte et son coéquipier sexy n’était pas envisageable. Et puis, Elisha avait sans doute des anecdotes croustillantes à lui raconter, enfin, quand elle arriverait à faire taire la tornade peroxydée. La bibliothécaire reprit alors le chemin de son lieu de culte, saluant ici ou là quelques têtes connues. Malheureusement, aucun sportif n’eut le plaisir de la croiser. Et évidemment, voir un sportif à la bibliothèque c’était comme voir une blonde bibliothécaire, ça tenait presque du surréalisme.

Elisha bouscule, jure, prend mal un virage et se plante la hanche dans un rebord de table. Un langage charmant file d'entre ses lèvres rosées. « Putain de sa m.. » Arrêtée en pleine prose par la voix du Doyen qui raisonne non loin. Reste stoïque un instant, avec l'allure assurée de l'employée, puis redeviens la jeune femme pressée. La faute de Bianca, qui lui a tenu la jambe pendant cinq minutes à parler toute seule. Les fiançailles ca calme certaines personnes ; pas elle. Et heureusement. Au moins, la blonde sait maintenant quoi faire ce soir. Une fois arrivée devant la salle des professeurs, l'ambitieuse appose quelques coups sur le bois pour signaler sa présence et rentre dans la pièce, s'asseyant naturellement sur le bord d'une des tables disposées. Elle sort ensuite une boite de cachets de sa poche, qu'elle tend à Lavinia. « Tiens, comme on avait dit. » Usage justifiée des médicaments. Elle n'avait jamais vraiment respecté cette règle. Et le Fitzgerald fermait quelque peu les yeux, surement en raison de la sur-qualification de l'ancienne élève de MVU, et la sous-facturation de ses services. 

Là, elle aurait du retourner dans son infirmerie. Sauf que mademoiselle a envie de parler, et un sujet lui brûle particulièrement la langue. Le problème, c'est que tout le monde a cette idée en tête. En même temps, pourrait-il en être autrement ? Une mort qui fait légèrement désordre dans le paradis du Michigan. En soit, cette perte ne lui avait pas fait grand chose, ne la connaissant que de nom. Elle se plante les dents dans la lèvre, hésite, puis se lance avec ce même air qu'ont les diseuses de ragots. Après tout, ce n'est quand même pas de sa faute si on vient tout lui répéter, si ? « T'es au courant que les flics rodent dans la fac ? Pour Ashleigh là. Je parie qu'ils vont nous sortir une théorie abracadabrante sur un lien entre les étudiants et ce meurtre, ou un membre du personnel, qui sait. Sincèrement, comme si quelqu'un ici était capable de tuer. Quoique, si tu veux mon avis, -se penchant vers la jeune femme, d'un ton entendu- une Omega Phi en serait capable. » Voir les étudiants comme de pauvres brebis égarées nécessitant toute leur protection était un brin naïf, mais Elisha faisait partie de cette trempe. Certains échappaient cependant à cette tendance protectrice, comme la sororité pré-citée. « Je suis persuadée qu'elles cachent certaines choses, et c'est pas les deux gugus qu'on nous a envoyé qui vont résoudre quoique ce soit. » Ah, oui, en tant qu'ancienne présidente Theta Psi comme en témoigne ses tatouages, les lettres grecs sur le poignet, et la représentation de la fresque sur son avant-bras, les rivalités entre fraternités se perpétuaient même après la fin des études. D'avantage quand études et travail se font dans le même ensemble. Assurément, leurs cœurs glacés et superficiels pourraient assumer le sang. Quoiqu'il en soit, les deux uniformes se plantaient surement de piste. « M'enfin, parfois il faut savoir ne pas mettre son nez partout, et visiblement on ne peut pas compter sur ce cher Doyen pour tenir la police éloignée de l'université. Incompétence toujours, une devise qu'il semble ne pas perdre de vue.. » Non pas que s'amuser à observer l'arrière train de mister Demeter pour faire enrager sa compatriote Bianca ne soit pas jouissif, mais ce jeu ne l'amusait déjà plus. Son quotidien était suffisamment monotone pour qu'en plus on exige de sa part de répondre à des questions aberrantes. Un soupire plus tard, ses pieds touchèrent à nouveau le sol dans un bruit sec. « Bon, je dois y retourner. On sait jamais, un trauma-crânien peut peut-être me tomber miraculeusement du ciel, ca serait dommage de louper mon heure de gloire. » Haussant vaguement les épaules en levant les yeux au ciel d'un air passablement blasée, Elisha tourna les talons avec l'intention de rejoindre son fief, royaume des égratignures, gueules de bois et hypoglycémie en tout genre. Elle avait fait médecine pour s'opposer aux cancers, et là voilà à soigner des petits bobos malgré ses cinq années sur les bancs et son don certain. La vie est cruelle il faut croire ; surtout quand on a pas les moyens de se la payer. Appuyée contre le chambranle de la porte, la jeune femme se tourna une dernière fois vers sa collègue, armée d'un fin sourire. « Finalement je vais faire un petit détour par chez le Doyen, j'ai quelques mots à lui dire. » Gratifiant l'autre blonde d'un clin d'œil, elle s'éclipsa enfin.

Il paraissait à présent évidemment que la Michigan Valley University avait besoin de redorer son blason, mais, comme le Doyen Fitzgerald venait de l’entendre des forces de police, cela ne se ferait pas tant que le meurtre d’Ashleigh Howard ne serait pas élucidé. Ce n’était pas évident de l’admettre mais après les allers et venus répétitifs de certains professeurs, employés et même étudiants soucieux pour la suite des événements, la prestigieuse université méritait d’aller de l’avant. C’est pourquoi, après quelques appels donnés au Conseil d’administration, le Doyen Fitzgerald prit une décision qu’il espérait ne pas regretter. Les prochains mois seraient sans doute difficiles pour tout le monde mais il fallait que les enquêteurs découvrent la vérité sur l’étudiante décédée. Le Doyen savait être juste mais il était également vigilent au bien être de cette grande université qui méritait de retrouver sa glorieuse réputation. C’est pourquoi, il décida de permettre aux deux agents de police de librement enquêter sur leur affaire, au sein de la Michigan Valley University.

Et maintenant... Que le jeu, commence.