Depuis la rentrée, le meurtre d'Ashleigh était sur toutes les lèvres. Dans toutes les conversations et au sein de chaque lieu du campus. C'était triste à dire mais Howard n'avait jamais été aussi populaire que depuis qu'elle n'était plus. Cette curiosité maladive qu'avait les gens à l'égard de son décès était nocive et aussi corrosive qu'un acide. Ils se montraient intrusifs mais pire que tout, inventaient des rumeurs plus folles les unes que les autres. Et la sororité en souffrait. Et ça, Bethany ne pouvait pas le supporter. Entendre que c'était sûrement l'une de ses soeurs qui avait assassiné Howard la mettait hors d'elle, bien qu'elle se contentait d'hausser un sourcil en prenant l'air méprisant au possible qu'elle ne réservait qu'à ceux qu'elle détestait viscéralement (et ils n'étaient vraiment pas nombreux !). Il fallait donc que ça cesse, mais à vue de nez, la brunette sentait que c'était loin d'être terminé. Les deux décérébrés qui servaient d'enquêteurs ne lui inspiraient ni confiance, ni respect. Et encore moins l'idée qu'ils avançaient sur une quelconque piste. Il lui fallait donc d'urgence désamorcer cette bombe ou du moins, redorer le blason immaculé des OP. Pourquoi assassiner une fille qui s'apprêtait à devenir l'une des leurs ? C'était stupide. Les Omega Phi était la sororité la plus réputée du campus, celle qui disposait d'un atout considérable : l'administration. Et Bethany ferait tout pour que la situation ne change pas. Heureusement, sa personnalité lumineuse et agréable l'aidait puisqu'elle disposait de nombreux contacts au sein de l'établissement. Telle une politicienne perpétuellement en campagne, la jolie brune tâchait d'accorder un minimum d'attention à une majorité de personnes. Elle avait la mémoire des noms, ce qui aidait, et ne manquait jamais d'adresser un sourire ou un bon mot à un élève invisible pour la majeure partie de l'élite du campus. Contrairement à la plupart des gosses de riches égocentriques et imbuvables, Beth se souciait des gens et pas uniquement de ses amis. Alors qu'elle quittait la salle d'études dans lequel elle lisait un ouvrage remarquable sur la géopolitique du Caucase, son regard lumineux se posa sur une silhouette qui venait de s'y installer. Ozzie Lane. Selon ses informations, il était très observateur. Comprenez qu'il était au courant de tout, sur tout le monde. Intéressant. Si quelqu'un pouvait lui donner le baromètre de la sororité au sein des étudiants, c'était bien lui. Un sourire doux et avenant calqué sur son visage enjôleur, Bethany s'avança gracieusement jusqu'au blondinet plongé dans un épais ouvrage, avant de l'apostropher de sa voix délicate et avenante : « Je peux ? » demanda-t-elle en montrant d'un signe de tête la chaise la plus proche. Sans se départir de son sourire ou attendre une réponse positive de sa part, Bethany se laissa choir gracieusement à ses côtés. « Dostoïevski ? Très bon choix. » Ses prunelles chatoyantes passèrent de l'ouvrage au visage renfermé d'Ozzie. Il avait le même physique de jeune premier agréable que la plupart des STI. Néanmoins, il était délicat de le remarquer au premier abord tant ses traits arboraient une expression fermée, presque inquiète.

Ce jour là, je n'étais pas réellement dans mon assiette. Peut être était-ce la faute à ce sandwich trop vite préparé, ou peut être était-ce tout simplement le fait de remettre une journée de plus les pieds dans cette école. Ne vous méprenez pas, j’adorais MVU et toutes les possibilités scolaire qu'elle pouvait offrir, oui, mais seulement.. Je me voyais mal revenir après cette histoire. Disons que la mort d'une personne ne devait à mes yeux pas susciter autant d’intérêt que ce qu'il se produisait actuellement, d'autant plus lorsque la sœur de la décédée elle même n'avait pas l'air d'y prêter attention. Oui, je vous l'accorde, cela était un peu louche, mais après tout, il fallait lasser place aux vivants et continuer chacun de notre côté notre route sans forcement s'attarder sur les éléments du passé. Les jambes engourdies, je longeais d'un pas des plus lents le couloir central de l'université. Je n'avais pas cours, ou du moins, pas à cette heure ci de la journée et devais donc trouver une activité au plus vite -d'autant plus pour oublier cet affreux gout de beurre que j'avais au fond de la gorge. Mais j'étais seul, comme à mon habitude, et de ce fait, trouver une occupation à cette heure de la journée n'en devenait que bien trop difficile. Alors, comme presque chaque jour, je m'étais rendu les yeux à moitiés clos à la bibliothèque, où j’espérais secrètement tomber sur un livre des plus inintéressant qui m’achèverait pour l'après midi. Bien entendu, alors que je posais lourdement mon sac sur une des tables encore -et toujours- vide, mon regard fut émerveillé par la quantité phénoménale de livres qui étaient classés ici. Oui, chaque jour que je venais, cela me frappait comme un conte absolument divin raconté à un enfant crédule. Je vouais un culte à tout ce qui pouvait toucher à la lecture, à la connaissance en elle même, mais plus particulièrement aux écris des plus grands, friand des plus belles phrases, des plus beaux poèmes. De ce fait, j'avais saisi un des livres qui avait attiré mon attention, alors que ma main caressait délicatement les tranches des bouquins disposés sur l'étagère. Crime et châtiment. Ce serait le premier à y passer cette année -après un quelques vingtaine d'autres déjà lu. Excité, le regard pétillant d'envie, je gambadais jusqu'à ma table où mon sac en bandoulière trainait toujours, déposé vulgairement avant de tirer ma chaise et de m'affaler sur celle ci. Bien vite, mes yeux attaquèrent les premières lignes du bouquin. Et bien plus vite encore, une voix me coupa. Doux Jésus. « Je peux ? » je n'avais même pas eu le temps de relever les yeux que miss Reagan se tenait déjà là, assise de tout son long, jambe droite gracieusement croisée sur sa seconde et regard attentif, détaillant la tranche du bouquin que j'avais selectionné « Dostoïevski ? Très bon choix. » un léger sourire se dessina sur mes lèvres alors que d'une seule main, je refermais délicatement le livre, prenant soin de le déposer sur la table, avant d'y placer mes deux paumes comme pour signaler qu'elle ne devait plus en parler, qu'il était sous ma protection. Enfant égoïste et possessif qu'il m'arrivait d'être. Penchant la tête, interrogatif, je pris cependant le temps de lui répondre « Je reviendrai à toi lorsque je l'aurai terminé » inutile de préciser que ce n'était certainement pas dans l'immédiat puisque celle ci ne semblait pas vouloir déguerpir « Que me vaut cet honneur ? Je suppose que tu n'es pas venue te vanter de ta culture personnelle en matière de littérature Russe. » et pour cause, personne ne m'adressait jamais la parole, autre que pour un renseignement. Ça en devenait presque lassant.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le monde entier ne disposait pas de sa bonne éducation ou de son aisance à entreprendre - et entretenir - une conversation. Bethany fut quelque peu surprise de la rudesse d'Ozzie mais ne s'en formalisa pas. Il lui fallait bien davantage pour la décontenancer. La jolie brune avait connu des interlocuteurs bourrus bien plus coriaces que le blondinet et c'est pourquoi elle se contenta de rester élégamment à sa place, bien droite, son regard couvant le livre qu'il venait de dissimuler. Charmant. Bon, la situation semblait moins aisée que prévue mais Bethany savait qu'elle n'était pas le genre de femme avec qui l'on désirait être désagréable : elle demeurait courtoise et avenante en permanence et vexer ou congédier une personne au sang-froid aussi impressionnant qu'elle même était surréaliste. Et en toute franchise, la présidente des Omega Phi ne voyait pas dans quel scénario de science-fiction l'on souhaiterait se la mettre à dos. Beth était une fille bien, capable de beaucoup pour les gens qu'elle appréciait... et encore plus pour ceux dont elle désirait obtenir l'attention. En l'occurrence, Ozzie ne le savait pas encore, mais ils allaient très rapidement s'entendre, elle s'en faisait la promesse. La brunette ne comptait cependant pas lui demander de but en blanc ce qu'elle souhaitait de lui. Elle n'aimait pas se servir des gens et attendrait sagement d'avoir obtenu une infime part de la confiance du garçon pour que sa requête ne ressemble pas à un renseignement mais plutôt à un menu service entre amis. Bethany avait cette affreux défaut qu'était la droiture et c'était sûrement la raison pour laquelle la politique ne l'intéressait absolument pas, malgré que ses parents pensaient le contraire. Elle n'était pas dévorée par l'ambition ni prête à tout pour écraser son prochain. Celui-ci, elle préférait le convaincre qu'être de son avis était la meilleure chose à faire grâce à son talent de persuasion. Pas le contraindre ou le trahir. C'était la technique des faibles qui défendaient des buts trop peu louables pour être suivis tout en restant intègres. Et Bethany valait mieux que cela. « Non, en effet. Je n'ai pas pour habitude de me vanter. » Beth ne se formalisa absolument pas du sarcasme d'Ozzie dissimulé derrière le mot honneur et se contenta de répondre de sa jolie voix caressante, qui mettait tout de même les points sur les i sans avoir l'air d'y toucher. « Je suis venue te proposer une collaboration. Comme tu dois le savoir, mes soeurs et moi-même sommes très investies dans les causes caritatives. Chaque année, nous reversons des fonds à une association choisie au préalable. Cette fois-ci, nous aimerions quelque chose d'envergure et pour cela, j'aimerais travailler avec le club d'audiovisuel. Qu'en penses-tu ? » Belle entrée en la matière. Ozzie ne pourrait pas refuser de travailler pour la bonne cause, n'est-ce pas ? Tout comme l'intello qu'il devait être ne dirait pas non à une activité extra-scolaire du plus bel effet sur son dossier. Un sourire malin aux lèvres, Bethany ne quittait pas le garçon des yeux, guettant la moindre de ses réactions. Les détails viendraient plus tard. Pour le moment, seule comptait sa réponse. Ozzie était connu pour être très impliqué et produire un travail de qualité. Elle avait besoin de gens motivés et talentueux.