Je passais de plus en plus de temps en compagnie d'Elliott, pour l'image. Pour notre fausse relation je me devais de passer ce temps avec lui. Et il se trouvait que ce dernier se trouvait dans le même pavillon que mon ex, Clay. Normal puisqu'ils font partis de la même fraternité. Je n'avais toujours pas digéré ce qu'il m'avait fait la dernière fois qu'il m'avait vu. Il avait voulu jouer le méchant simplement pour se prouver à lui-même qu'il n'était pas gentil. Un truc pourri du genre. Il m'avait balancée à l'eau comme une moins que rien sans même s'excuser de quoi que ce soit. Je ne devais pas en être étonnée avec lui, il aime se dire qu'il est ce gros con que tout le monde craint. J'étais partie furieuse et n'avait pas chercher à le revoir mais aujourd'hui, je comptais bel et bien me venger. Certes, mon plan n'était pas des plus machiavélique et il était complètement immature mais tant pis. Je devais le faire pour ma fierté personnelle. J'avais repéré sa chambre suite à mes nombreuses visites et après l'avoir vu quitté le pavillon, j'avais décidé de m'y introduire armée de deux bouteilles d'eau. Une fois dans la pièce, j'ouvris ces deux bouteilles et les déversais sur son lit un large sourire sur le visage. C'est alors que j'entendis des pas se rapprochés doucement de la porte ... et sa voix. Mon dieu, il était là. Je balançais les deux bouteilles et cherchait une bonne cachette. Trop lente ... Je n'eu pas le temps de me cacher que déjà la porte s'ouvrait. Je tentais le tout pour le tout et le bousculait en quittant la chambre. « Oh, je me suis trompée de chambre. » Je priais intérieurement pour qu'il ne me rattrape pas et qu'il me foute la paix. J'accélérais le pas sans me retourner. Mais je savais obstinément qu'il ne me laisserait pas m'en sortir si facilement. Merde hein ! C'était une simple revanche ! Je lui en voulais et c'était tout ce que j'avais trouver à faire. Je suis pas le genre de fille à faire ça d'habitude. Je suis quelqu'un de gentille qui n'aime pas s'embrouiller avec les gens ... mais là ... il m'avait poussé à bout.

Clarence referma brutalement le dossier sur lequel il était penché depuis des heures. Comme le signe d'une libération, il jeta son stylo plus loin sur son bureau et passa ses mains dans ses cheveux, les tirant en arrière quelques secondes. Enfin, il se permit de pousser un long soupir avant de laisser tomber sa tête sur le bois du bureau dans un bruit sourd. Depuis la rentrée et peu importe les événements « fâcheux » comme le professeur avait pris plaisir à dénommer pour désigner le meurtre d'une étudiante qui s'avérait être sa petite amie de l'époque, les étudiants en droit s'étaient vus affublés d'une montagne de rapports à rendre, de défenses à organiser, de cas à étudier. Clarence en troisième année n'y avait pas échappé. Et ce jour était le grand jour de la dernière ligne bouclée. Comme à son habitude, il avait fini en avance. Personne ne le voyait travailler mais il réussissait toujours. Les secrets les plus efficaces ne sont-ils pas ceux qui demeurent à jamais ? Enfilant une veste à la hâte, Clarence sortit de ses pensées. Il voulait en finir une bonne fois pour toutes et ce n'était que le dossier dans le casier du professeur d'université qu'il pourrait enfin souffler. Par chance, le pavillon gigantesque de sa confrérie était étonnamment silencieux. Chacun de ses habitants s'attelait à conserver le prestige professionnel et personnel chacun dans leur coin et les quelques fois où le pavillon était plein à craquer, on ne pouvait reprocher aux frères ne pas savoir s'amuser...

Clay claqua la grande porte de la demeure et avança à grands pas vers l'université en elle-même. Une légère brise soufflait et déplaçait quelques boucles devant ses yeux. Tant mieux, il n'avait pas envie de croiser le moindre étudiant ici. L'été de calvaire terminé, il n'avait pas l'impression que l'ambiance avait changé sur le campus. Une tension palpable était toujours présente et bizarrement, elle augmentait quand celui-ci était présent sur les lieux. Il ne supportait plus la pression lourde sur ses épaules et fuyait finalement les endroits les plus fréquentés de la MVU. Distrait par ces soucis, il stoppa soudain net ses pas. Extirpant les mains de ses poches, il poussa un juron. Il avait oublié le dossier dans sa chambre. C'est donc fulminant de rage et de jurons adressés dans le vent que Clarence fit demi-tour et courut jusqu'à son refuge pour aller chercher le précieux. Sur le chemin, il bouscula brusquement une jeune fille qu'il ne prit même pas la peine d'excuser. Il s'engouffra dans sa chambre et à nouveau la réalité le frappa. Qu'est-ce qu'une fille faisait dans les couloirs du pavillon surtout à cette heure-ci ? Un coup d'oeil circulaire à sa chambre, un regard sur le matelas de son lit qui avait étrangement changé de couleur... Il lui suffit de passer ses doigts sur le tissu pour reconstituer l'événement et le parfum qu'il avait reconnu dans les couloirs. « Dawson ! » A grandes enjambées, il ressortit de la pièce et rattrapa non sans mal Manoé qui s'était presque mise à courir pour le fuir. Clay agrippa son poignet et la tira jusqu'à lui, s'exclamant d'une voix triomphante : « Alors on fait des blagues puériles et on assume pas ? »

Je marchais le plus vite possible, espérant ne pas avoir été reconnue et que Clay ne m'en voudrait pas trop. Je ne regrettais pas ce que je venais de faire. Si c'était à refaire je le referais sans aucun doute. Je lui en voulais tellement. Je détestais la méchanceté gratuite et c'est ce à quoi j'avais eu droit lorsque nous étions à la presqu'île. Soudainement je sentis sa main virile agrippée mon poignet. C'était trop tard. Je me pinçais les lèvres et étais obligé de lui faire face puisque celui-ci tenait toujours mon poignet. « Alors on fait des blagues puériles et on assume pas ? » Bon, un point pour lui mais ça, je n'allais pas reconnaître. Il en serait trop fier. Je préférais jouer l'innocente. J'étais plutôt bonne au jeu de l'innocente, il faut bien le dire. « Je vois pas de quoi tu parles... » Un léger sourire en coin prit place sur mon visage. Mon regard se portait alors sur mon poignet qui se trouvait toujours coincé entre ses doigts. « Je peux récupérer mon poignet ? » Je comptais m'en sortir comme ça. Partir comme si de rien n'était et ne pas assumer, il avait raison sur ce point là. Je me retenais aussi de lui dire à quel point je lui en voulais. A quel point j'avais détester la façon dont il m'avait traité la dernière fois que nous nous étions vu. Je suis rancunière comme fille, j'oublie pas ce que l'on me fait et j'ai tendance à tout ramener sur le tapis. Je suis pas facile à vivre. « Je t'en veux vraiment. » J'avais bien articulé, d'un ton plus froid que mon tond habituel. Mon regard était lui aussi devenu bien plus froid qu'en temps normal. J'avais en cet instant précis besoin qu'il sache ce que je ne lui avais pas dit la semaine passée. Certes, il avait bien du se douter mais je ne le lui avais pas dit clairement. Depuis ce jour, j'avais aussi décidé qu'il ne valait pas la peine que je tente de le comprendre. J'avais essayé la fois passé et il avait tout contourné. Ses réponses ne m'avaient pas plu et pouvais-je réellement croire chacun de ses mots ? Pourquoi avait-il vraiment tenté de me faire entré dans la tête qu'il était aussi con que tout le monde le disait. Un con cynique que je n'avais pas envie de connaître. Je devais me rendre à l'évidence , me dire que je ne retrouverai jamais celui que j'avais tant apprécié. Cette personne qui avait compté durant trois petits mois de ma vie. Je pense que j'étais triste à l'idée de renoncer à cela. Triste à l'idée que je ne pourrais plus le retrouver mais je devais faire avec. C'était son choix plus que le mien. Il me l'avait bien fait comprendre.

Malgré l'air innocent que Manoé tentait d'afficher tant bien que mal, Clarence n'était pas dupe. C'était elle qui venait de sortir de sa chambre et par esprit de déduction, elle était certainement la responsable de la piscine qui avait pris lieu et place de son regretté matelas. Il faudrait des heures entières pour qu'il ne daigne sécher et Clay doutait qu'il n'y subsiste une odeur d'humide désagréable pendant plusieurs semaines. Il osait espérer que le prestige de sa confrérie lui permettrait d'acquérir un matelas neuf. Il ferait digne cadeau de l'ancien à Manoé... Le sourire qu'elle esquissa puis la demande de récupérer son poignet acheva de confirmer les soupçons de Clay. C'était bien elle. Il ne fallait pas jouer sur le terrain des autres, ici elle n'était pas chez elle. Elle allait le regretter. Sans pour autant la lâcher, il se contenta de déserrer légèrement la pression qu'il exerçait sur son poignet. Si toutefois l'idée folle lui venait de s'enfuir à nouveau, elle n'irait pas bien loin au vu des réflexes de Clarence. « Tu penses vraiment que je vais prendre ce risque ? C'est comme croire que je n'allais pas te démasquer. » A son tour, un petit sourire en coin s'était dessiné sur les lèvres du jeune homme. Il était à la fois fier de lui et fier d'elle, passé la mauvaise surprise. A vrai dire, il ne l'avait pas pensé capable de se venger même si cette vengeance relevait d'un niveau adolescent. Il l'avait imaginé l'évitant à longueur de journée et se contentant de lui montrer une mine déçue sitôt qu'ils se rencontraient. Manoé avait de l'audace et ça, c'était une nouvelle découverte des plus plaisantes. Elle avait mis un pied dans la cour des grands, il allait l'y jeter à bras le corps comme ce fameux plongeon dans le lac du Michigan.

Enfin, l'arrogance de Manoé ne dura pas longtemps. Bien vite son regard s'assombrit et elle en vint au fait : elle lui en voulait. Spontanément, Clay prit un air surpris : « Tiens je m'en serai douté. » Bien sûr qu'elle était blessée dans son égo, sans doute n'avait-elle pas apprécié de boire la tasse sans même le réclamer. Avait-il sacrifié un haut qu'elle aimait tant ? Il ignorait la raison de tant de rancoeur : un ami l'aurait également jeté à l'eau qu'elle lui en aurait pas plus voulu que ça. Elle lui en voulait à lui et elle avait trouvé la raison primaire pour rejeter sur lui tout ce qu'elle lui reprochait. Manoé lui reprochait tant de choses et la petite explication de la dernière fois n'avait semble-t-il pas éclairci les choses. Avançant d'un pas pour la forcer à se retrouver contre le mur -il fallait asseoir son autorité ici- il poursuivit : « T'ai-je vexée de t'avoir porté un tant soit peu d'attention que tu as consacré toute ton après-midi à gâcher la mienne ? » Oui porter de l'attention pour Clarence revenait à leur faire des crasses. Elle avait malheureusement connu son côté affectueux mais ce n'était pas durant des temps aussi durs que cette rentrée qu'il allait se laisser aller à la gentillesse et laisser de côté sa méfiance. Il ne supportait plus rien ici et Manoé venait de s'attaquer à son dernier refuge.

J'étais comme une gosse prise en flagrant délit, une gosse qui attend une punition. Je tentais cependant de paraître innocente et de le fuir. Bien entendu, les preuves étaient contre moi et je n'avais aucun alibi. Tant pis. Je jouerai l’innocente tant que je le pourrais et je pourrais toujours imaginer un autre plan pour la suite mais à cette instant, j'étais en panne d'inspiration. Mon cerveau était incapable de trouver une quelconque idée, pourtant je déborde d'imagination moi. Gênée par le maintient de mon poignet par mon ex-petit ami, je lui demandais de me lâcher ... Je pourrais ainsi partir comme un lapin. Je n'étais pas prête à l'affronter, pas encore. Je le sentais bien plus fort que moi. Je sais bien, par de nombreuses rumeurs, que celui-ci ne manque pas de ressources et que ses piques sont nombreuses. Il les dégaine plus vite que son ombre, comme Lucky Luke avec ses revolvers. J'en avais d'ailleurs été la victime lors de notre dernière rencontre. « Tu penses vraiment que je vais prendre ce risque ? C'est comme croire que je n'allais pas te démasquer. » Je baissais soudainement les yeux, légèrement honteuse de voir ma stratégie échouer lamentablement. J'avais la sale impression que Clarence lisait en moi comme dans un livre ouvert et cela n'avait rien de plaisant. Vraiment rien. Au contraire. Moi je n'avais pas cette capacité et je pourrais presque en être jalouse. Ses doigts se desserrent quelque peu mais pas suffisamment. Il avait toujours une certaine emprise sur moi. J'évitais de le regarder, c'était ça mon autre astuce. « Je l'ai cru ... » C'était à voix basse que j'avouais cela. La honte m'empêchait de le dire à voix haute. La honte d'avoir une fois de plus avoir été beaucoup trop naïve. Ma pauvre cocotte, c'est pas parce que tu demandes qu'on te foute la paix en battant des cils comme une biche qu'on va te laisser tranquille.

Soupirant bruyamment je lui avouais alors que je lui en voulais. « Tiens je m'en serai douté. » Il n'était pas surpris de ma révélation, en même temps c'était quelque d'attendu. Rien de bien surprenant mais j'avais eu besoin de l'exprimer, d'y mettre des mots et de le lui dire clairement. J'en avais besoin pour le digérer plus facilement en fait. Si je lui en voulais ce n'était pas simplement à cause de ma chute dans l'eau, c'était aussi pour tout ce qu'il m'avait fait. Pour la rupture, pour la chute, pour ses paroles, pour ses mensonges. Les quelques mots que je venais de lui confesser englobaient tout cela; J'avais pas besoin d'être plus précise, je pense qu'il le savait au fond de lui. Qu'il se doutait que ce n'était pas simplement à cause de la chute et de ses mesquineries mais pour tout le reste. J'avais souffert et je ne voulais pas revenir là-dessus. J'avais décidé de tirer un trait sur cela. Ne pas oublier est quelque chose de masochiste et dieu sait que je ne le suis pas du tout. Je restais silencieuse face à celui-ci, ne sachant pas vraiment quoi lui dire. Quoi faire. De toute façon, j'étais comme prise au piège D'avantage encore lorsque celui-ci avança d'un pas, spontanément je reculais et me retrouvais coincée contre le mur. « T'ai-je vexée de t'avoir porté un tant soit peu d'attention que tu as consacré toute ton après-midi à gâcher la mienne ? Je ricanais légèrement. «Ne te lances pas trop de fleurs ... J'y ai pas passé toute une journée, seulement dix petites minutes de mon temps. C'est juste de l'eau, n'en fais pas un drame. » Il était vrai que je lui avais fait une crasse. Mais qu'il ne s'imagine pas que j'y avais réfléchis durant dix ans. Cela avait été rapide. Il ne méritait pas toute une journée de réflexion et de dégâts. Il méritait dix minutes et c'est tout. « Maintenant que je suis passé aux confessions, peux-tu me laisser un peu de liberté... Je me sens opprimée là. » Je lui faisais alors remarqué que j'étais coincée entre lui et le mur et que cela, n'avait rien d'agréable. Enfin, pas dans de tels circonstances.

Manoé pensait tellement se protéger aux yeux des autres tout comme à ceux de Clarence. Ce dernier ne pouvait pas prétendre à la connaître par cœur, à lire en elle comme dans un livre ouvert -il ne l'avait fréquenté que quelques mois au fond. Mais il était observateur. Il remarquait ce regard noir quand il la regardait, le frémissement de ses lèvres dès qu'il ouvrait la bouche : il l'agaçait, il provoquait en elle plusieurs émotions et si ce n'était pas de l'affection au moins elle ne pouvait se résoudre à l'ignorer. Parfois on pouvait remercier les cours incongrus de droit qui consistaient à déceler chez les autres le mensonge ou l'inquiétude. Clay ferait un très bon avocat plus tard et au-delà des petits délits humides de Manoé. Elle y avait cru c'était certain et à de nombreux tableaux. Elle en avait honte et l'avouait à demi-mot. Cette soudaine sensibilité n'étreignait pas Clarence pour autant. Qu'on le prenne pour un sans-coeur mais il ne parvenait pas à être touché ou un tant soit peu affecté. Il avait été habitué à se faire remuer et à aller de l'avant, non pas à regarder toujours en arrière. La désillusion de Manoé, le meurtre d'Ashleigh : ces derniers temps son passé aimait à refaire surface et influencer son lourd présent. S'il avait caché être profondément attristé par le meurtre de sa dernière petite amie, ça n'était pas pour avouer qu'il s'était senti bien voire différent quand il était sorti avec la jolie rousse. C'était terminé et si elle souhaitait s'en venger aujourd'hui, il n'allait pas le lui reprocher.

Clay s'était alors lancé dans l'investigation pour faire confesser Manoé un peu plus. Comment une telle idée avait-elle pu lui traverser l'esprit ? Lui-même aurait déjà visé plus haut. Asperger le matelas était simple, inonder la chambre entière aurait été plus audacieux mais après tout on parlait bien de la naïve étudiante ici. L'intimidation physique marchait aussi bien que la psychologie, même si lors des cours, on lui faisait bien comprendre qu'une affaire se réglait par une enquête et non par soi-même. Et puis au vu de la carrure de Clarence, il ne pourrait pas s'attaquer à grand-chose au risque de finir sur le tapis. La réponse de Manoé le fit éclater de rire. « Tu penses vraiment que je vais gober ça ? Tu es donc entrée dans le pavillon par toi-même, tu as visité les nombreux étages en entier pour trouver ma chambre, parcouru les grands escaliers et tout ça en seulement dix petites minutes ? » Il se redressa, triomphant, sans s'éloigner pour autant. « Si tu n'es pas la garce qu'on décrit, comment pourrais-tu connaître les lieux ? Avoue, tu as déjà visité la chambre de l'un d'entre eux. Et j'élimine d'ores et déjà la mienne, je m'en serai souvenu. » Manoé ne répondit pas tout de suite, préférant lui réclamer de la liberté. Ca n'était pas comme si Clay était aussi baraqué et gonflé que Monsieur Reed-le-hockeyeur-sur-glace-trop-fort-et-trop-aimé. « Tu as raison, on pourrait croire que tu cherches à me corrompre pour que je te fasse visiter mes draps. » Sans crier gare, il reprit son emprise sur son poignet et la traîna jusqu'à la chambre qu'elle venait de fuir. Il referma la porte derrière lui et resta appuyé dessus. Si officiellement, les présences féminines étaient proscrites, chacun savait que les chambres individuelles étaient rarement vides. Manoé était l'une des rares à avoir franchi le seuil de celle de Clay mais ça restait de l'ordre du secret maintenant. « Crache le morceau. »

Clarence était devenu un mystère pour moi. Je ne savais pas du tout mettre de mot sur ce que je ressentais à son égard à vrai dire, de la haine ? N'allons pas jusqu'à là. Le sentiment le plus présent en moi lorsque je me trouve à ses côté, c'est sans aucun doute la nostalgie. Mais je suis grande et j'ai appris à aller de l'avant. Même si ce n'est pas ce que je désire le plus. Je m'étais vengée dans le simple but de lui montrer que j'avais été blessée. C'était ma façon à moi de me faire remarquer en quelques sortes. Vider de l'eau sur un lit était puérile ? J'en avais bien conscience mais c'est tout ce que j'avais trouver. Il n'y a pas à dire, le génie du mal n'habitait pas mon esprit. Les trois quarts du temps, je suis incapable de me disputer avec quelqu'un, incapable de faire du mal à qui que ce soit. C'est plus un bisounours qui vit en moi. Et on sait tous qu'un bisounours ça n'a rien de très machiavélique.

« Tu penses vraiment que je vais gober ça ? Tu es donc entrée dans le pavillon par toi-même, tu as visité les nombreux étages en entier pour trouver ma chambre, parcouru les grands escaliers et tout ça en seulement dix petites minutes ? » Bon, d'accord. Je devais avoir mis un peu plus de dix minutes ... Vingt sans doute. Il suffisait juste de savoir fréquenté les bonnes personnes après tout et c'est ce que je pouvais lui dire. Un large sourire s'étira sur mon minois, dévoilant mes dents blanches. « Il suffit de savoir se renseigné auprès des bonnes personnes mon cher Clarence. » Avais-je dit en haussant les épaules comme si cela était d'une banalité affligeante. Il est vrai que ma fausse relation avec Elliott m'avait facilité la vie aujourd'hui. C'est grâce à lui que j'avais su entrer et c'était aussi grâce à lui que j'avais su trouver la chambre de mon ex sans aucune difficulté. Cela avait été simple. Une petite question innocente et il avait craché le morceau sans prendre garde à ce que je pourrais bien faire. Avant cela, j'avais tenté de m'y repéré seul et de trouver la chambre. Elliott n'avait fait que me confirmer ce que j'avais déjà appris par moi-même. J'avais préféré être sûre, et ne pas arroser le lit d'un pauvre petit innocent. « Si tu n'es pas la garce qu'on décrit, comment pourrais-tu connaître les lieux ? Avoue, tu as déjà visité la chambre de l'un d'entre eux. Et j'élimine d'ores et déjà la mienne, je m'en serai souvenu. » Je ne répondit rien à cela. C'était de la provocation pure et dure. Il savait que je n'étais pas le garce que tout le monde prétend que je suis. Il le sait et cherche juste à atteindre une autre information que je préfère garder pour moi. Je lui fis alors remarqué mon malaise vis à vis de ma position inconfortable. « Tu as raison, on pourrait croire que tu cherches à me corrompre pour que je te fasse visiter mes draps. » Mon dieu il rêve lui. Devant tant de drôlerie, je ne peux m'empêcher d'éclater de rire, et ce , même si cela ne dure que deux ou trois petites minutes. « Ou que tu cherches à m'avoir dans tes draps plutôt. » Mon hypothèse était bien meilleure et je ne dis pas ça simplement parce qu'elle vient de moi. Je pense vraiment que mon hypothèse est mieux que la sienne. Mais cela n'a pas l'air de lui plaire puisqu'il attrape mon poignet et m'entraîne à une allure rapide en direction de sa chambre. « Qu'est-ce que je disais ... Lequel de nous-deux entraîne l'autre dans sa chambre à une vitesse plus grande que celle de la lumière. »

Je me retrouvais dans sa chambre sans rien avoir demandé et celui-ci, plutôt futé s'était posé contre la porte. M'empêchant une fois de plus de déserter les lieux. Je décidais de lui tourner le dos, de ne pas le regarder mais plutôt de regarder par la fenêtre de la chambre. « Crache le morceau. » Entendis-je alors. Cette phrase me poussa à me retourner. Où voulait-il en venir avec ça ? De quel morceau il parlait ? Je me rappelais alors de la question qu'il m'avait posé quant à ma connaissance de sa chambre et mon entrée ici. « Oh, tu n'es pas au courant ? Je suis la nouvelle petite amie de ton cher président. » Cette simple phrase expliquait beaucoup de choses, notamment ma présence ici. Après tout, je lui avais bien dit que j'étais prête à tout pour que ma réputation de traînée prenne fin. Mon plan était en route et j'espérais que celui-ci fonctionnerait. « Je pensais que tout le monde l'avait appris. Tu dois être passé à côté. » lui faisais-je alors constaté.

Qu'elle se rassure, Clarence n'avait aucun intention de la séquestrer dans sa chambre. Manoé céderait à la pression tôt ou tard. La réflexion qu'elle s'était permis de lui faire alors qu'il l’entraînait de l'autre côté de la porte l'avait simplement fait sourire ironiquement. Elle cherchait le bâton pour se faire battre. « Si j'avais voulu abuser de toi chère Manoé, je l'aurai fait bien plus tôt un certain été alors que tu croyais naïvement que j'étais l'homme idéal. » Puis il ricana tandis qu'il refermait la porte derrière eux. Faire preuve d'assurance face à lui n'était guère une bonne idée, il détestait qu'on se targue d'être supérieur à lui. La jolie rousse pensait-elle vraiment qu'il ne saurait lui résister ? Après tout, il avait tenu plusieurs mois sans qu'elle daigne ne lui offrir ne serait-ce qu'une parcelle de son corps. Il s'était contenté de tendresse et de mots et quand il en repensait, Clay s'étonnait encore lui-même. Mais contrairement à Manoé, la nostalgie lui était bien souvent étrangère. A vrai dire, ces dernières semaines, il en goûtait tout juste l'amère saveur. L'absence d'Ashleigh avait été bien plus pesante qu'il n'aurait pu le croire. Il n'en avait fait part à tout le monde -il ne souhaitait pas sentir leurs regards compatissants sur lui. Il saurait y faire face, et seul de préférence. Clay n'était pas de ces gens qui s'apitoyaient sur leur sort, quitte à faire croire que rien ne le touchait, il n'en était que mieux protégé.

Mais Manoé lâcha alors une bombe atomique auquel le jeune homme ne s'attendait pas. A voir sa mâchoire qui se décrocha pendant un instant, il ne s'attendait pas à ça. Et à observer le sourire satisfait de l'étudiante, elle s'attendait à cette réaction-là avec un certain sadisme qui ne manqua pas de l'agacer. Croisant les bras sans bouger, il laissa sa tête se poser légèrement en arrière sur le bois frais de la porte. Qu'il aurait aimé plonger dans son matelas trempé à ce moment précis... « Dois-je te rappeler que je ne suis pas le meilleur frère qu'on puisse avoir ici ? Je passe rarement de temps en compagnie des autres. » Clarence ne la quitta pas des yeux, comme s'il souhaitait y déceler le mensonge. « Baldwin, vraiment ? C'est pour sa bourse remplie d'argent ou celle, plus moindre, qu'il dissimule jalousement dans son pantalon ? » A vrai dire, seuls ses confrères ne l'ignoraient pas, son président était passé d'un camarade de conversation à un ennemi avéré. Les affaires entre garçons étaient plus discrètes mais tout aussi redoutables que les chamailleries de filles. S'en pouvoir s'empêcher de claquer dans ses mains comme pour l'applaudir, il laissa un rire cynique s'échapper de sa gorge : « On aura tout vu ! Et pourquoi t'accorderait-il un tant soit peu d'attention ? On ne peut pas dire que tu sois la meilleure chose pour entretenir sa réputation irréprochable. » Au vu du dégoût qui coulaient de ces derniers mots, on comprenait aisément que Clay n'y croyait nullement. Baldwin avait tant à se reprocher...