Perplexe devant son dressing, enroulée d'une simple serviette de bain et une main savamment posée sur sa hanche Bethany se demandait ce qui avait bien pu la pousser à rappeler à Timon qu'il lui devait un dîner. Certes, de façon détournée, mais quand même. Dorénavant, elle s'interrogeait sur ce qu'ils pourraient bien avoir à se dire durant une soirée qui promettait d'être aussi longue qu'embarrassante. La jolie brune avait bien un carnet de phrases de secours, promptes à rattraper voire même à lancer n'importe quelle conversation, mais elle n'usait de ces artifices que pour les mondanités. Timon n'était pas de taille à appréhender ce genre de discussions. Bon, peut-être n'était-il pas aussi stupide et immature qu'il en avait l'air mais Bethany refusait de retenir cette probabilité. En plus du souci de conversation, un autre se dressait présentement devant elle : sa tenue. La brunette ne voulait surtout pas s'habiller de façon trop élégante, comme si elle s'était préparée pour ce stupide dîner avec Timon. Il ne fallait surtout pas transmettre des messages erronés. Mais, en même temps, Bethany était toujours apprêtée plus que de raison. Si elle se négligeait ce soir, cela montrerait un certain effort de sa part : celui de faire en sorte que le manque de goût vestimentaire de Timon ne jure pas à côté de son sens indéniable du style. Impasse. Excédée et lasse de son perfectionnisme exacerbé qui la forçait à réfléchir plus que de raison à des futilités auxquelles le commun des mortels ne songeait même pas, la brunette se saisit - non sans mal - de la robe la plus proche d'elle. Une petite merveille crème & taupe, assez courte pour ne pas faire trop guindée, trop près du corps pour servir lors de soirées importantes, elle était idéale pour ce genre d'occasion. Peut-être légèrement suggestive mais son élégance rattrapait le tout. Et voilà comment, une heure plus tard, Bethany attendait le KBO au début de l'artère principale. Et il avait le culot d'être en retard. Certes, d'exactement trois minutes, mais tout de même. La jolie brune était persuadée que sa démarche traînante et nonchalante le ralentissait mais ça n'était nullement une excuse pour la laisser mourir de froid dans son trench. Droite comme un I, fièrement juchée sur ses Jimmy Choo de douze centimètres et le port altier, Beth ne semblait pas le moins du monde agacée tant son air serein rattrapait le tout. Mais en réalité, elle imaginait déjà tous les sévices qu'elle pourrait lui faire subir dans une réalité parallèle forcément sympa.

Je déteste me mettre la pression pour un rendez-vous. Si l'on peut ne serait-ce que considérer mon dîner avec Bethany Reagan tel quel., parce qu'e q'il y a quelque chose de clair, c'est qu'elle semblait loin d'être enjouée à l'idée de se retrouver face à moi pour ne serait-ce qu'effleurer une conversation la dernière fois que je l'avais croisé, donc on était loin du rendez-vous galant. Soupirant, mon regard se pose sur l’heure qui s’affiche dans le coin droit de mon ordinateur. Bondissant du lit à une vitesse que l'on ne me connaissait rarement, dans lequel j’étais affalé jusque là. Je cours à moitié jusqu’à l'infime meuble qui me sert de placard à l'autre bout de ma petite chambre universitaire, clopinant à cause d’une de mes jambes endolories. Je ne fais manifestement pas parti de ces personnes qui prenne soin de leur apparence avec mes vêtements parfois délavés et mes cheveux continuellement décoiffés et pourtant je déplore la taille de ma penderie qui peine à contenir l'intégralité de mes affaires. Ce qui explique peut-être la raison pour laquelle il y a constamment des habits échoués sur la moquette sombre de la pièce étroite. Certes, je suis loin d'être aussi méticuleux dans mon apparence en règle générale, mais je me permet de douter du succès de mon actuel sweat-shirt aux couleurs de la MVU auprès de la grande et fameuse présidente des Oméga-phi pour une sortie en ville. Je fais passer celui-ci par dessus ma tête et le laisse s'échouer sur le sol au milieu d'effets personnels divers et variés. J'enfile à la place un simple pull au col en v et en coton bleu délavé, qui remporte généralement un franc succès auprès des demoiselles de mon entourage -plus communément appelé Noélie- qui le trouvent très à leur goût. Sans guère plus de préparation, je me contente de glisser mon portefeuille dans l'une des poches arrières de mon jeans avant de sortir. Bien entendu, je suis en retard. Pressant un peu le pas sur l'avenue principale où il était convenu que l'on se retrouve, je ne perd pas beaucoup de temps à la repérer. Repérable au milieu de la foule habituelle de début de soirée sur la rue commerciale, non uniquement par les talons sur lesquels elle est jonchée, mais tout simplement par ce qu'elle dégage naturellement... Et aussi parce que son dos est encore plus droit que de raison. Réadaptant ma démarche nonchalante au moment d'arriver face à elle, j'émet un léger sifflement flatteur, davantage parce que je sais qu'elle en sera excédée que pour valoriser sa ravissante silhouette. « Tu n'as pas peur de t'attirer des problèmes vêtues de la sorte dans un de mes lieux de prédilections étranges, peuplés d'individus de mon espèce ? »

Bethany savait d'intuition que ce rendez-vous était une mauvaise idée. D'ailleurs, elle se refusait à appeler ceci un rendez-vous. C'était davantage... bon, les mots ne lui venaient pas mais la brunette était persuadée qu'elle serait en mesure de rectifier cette défaillance plus tard. En tout cas, elle se demandait bien pourquoi elle s'était sentie dans l'obligation de rappeler à Timon son devoir. Beth avait trop de principes et ceux-ci allaient sans doute finir par l'achever. A moins que ce dîner ne s'en charge. Seule dans la rue principale du campus, elle hésita plusieurs fois à tourner les talons au lieu d'attendre désespérément la venue de Timon comme celle du Messie. Mais son éducation l'en empêchait. Poser un lapin n'était pas faire preuve de civisme et même les individus les plus médiocres méritaient ces droits essentiels. Néanmoins, Bethany se promit de remonter les bretelles à Timon dès lors qu'il se présenterait à elle. Et en parlant du loup... voici qu'il arrivait - enfin -, de sa démarche nonchalante habituelle, comme si il n'avait pas dix longues minutes de retard. Certes, dix minutes, ça n'était pas dramatique. Mais pour une jeune femme aussi intransigeante qu'elle, ça représentait une éternité. Bien entendu, il n'avait fait aucun effort vestimentaire. Enfin, c'était normal puisque ça n'était pas un rendez-vous. Mais tout de même. Bethany devait bien avouer que ce pull était néanmoins plus décent que la plupart de ses ridicules t-shirts. Mais elle se garderait bien de lui dire, surtout après ce sifflement dégradant. Contre toute attente néanmoins, la jolie brune le regarda de haut en bas, avant de replonger ses prunelles dans les siennes et d'hausser les épaules avec désinvolture : elle ne lui ferait pas le plaisir de répliquer à chacune de ses provocations. « Je vais prendre ça comme un compliment. » répliqua-t-elle de sa jolie voix suave, en réponse à son léger et ridicule sifflement. Beth allait ajouter une remarque sur son retard mais Timon renchérit. Osait-il critiquer sa tenue, lui qui n'avait apparemment aucun sens du style - à part savoir qu'accorder son pull à ses yeux était forcément un combo gagnant. « Tu n'as pas peur de t'attirer des problèmes en osant arriver en retard ? » répliqua-t-elle sur l'exact même ton. Puis, sans crier gare, Bethany lâcha un très léger soupir las avant de se saisir du bras de Timon comme si il était son cavalier dans l'une de ses soirées mondaines. Apparemment, il avait besoin qu'elle prenne des initiatives ou ils resteraient toute la nuit ici, au lieu de se rendre elle-ne-savait-où. « Bon, et si l'on oubliait les remarques désobligeantes pour essayer de passer une soirée moins catastrophique que celle à laquelle on s'attend tous les deux ? » La jolie brune planta fermement son regard noisette dans les yeux de Timon, ce qui ne lui offrait aucune autre issue. « Où est-ce que tu m'emmènes ? » conclut-elle d'une voix exagérément agréable, l'air interrogateur.

Difficile de ne serait-ce que rester un minimum stoïque face au regard inquisiteur de Bethany, qui laisse ses yeux courir sur l'intégralité de ma silhouette des pieds à la moindre mèche de cheveux hirsute qui oserait défier les lois de la graviter en dépassant vers le haut. Mécaniquement, je redresse mon dos pour me tenir plus droit que de raison et rentre le ventre en contractant légèrement les abdos, bien qu'entant que sportif je sois plutôt athlétique de nature et donc que ce ne soit pas spécialement nécessaire. « Je vais prendre ça comme un compliment. » dit-elle avec sa tête d'aristocrate effarée face à mes coutumes d'américain moyen. Un léger sourire amusé passe sur mes lèvres, tandis que je glisse mes mains dans les poches de mon jeans, précisément avec cet air trop décontracté que la jeune femme semble me reprocher en règle générale. « Tu n'as pas peur de t'attirer des problèmes en osant arriver en retard ? » réplique t-elle immédiatement à ma plaisanterie, presque fulminante. Je ne répond rien, me contentant de lui adresser un nouveau sourire laissant même dévoiler mes dents de devant. La ponctualité n'a au grand jamais été mon fort, que ce soit au sujet d'évènements importants ou d'infimes conformités qui font parties d'une journée habituelle. Ce serait d'ailleurs raconter des mensonges que de dire que cet aspect de ma personnalité au combien impossible à rectifier ne m'a jamais posé de problèmes, mais soit. La jeune femme passe son bras sous le mien, comme le font les filles avec leurs cavaliers dans les soirées mondaines, dont je ne suis bien entendu pas usager. J'arque un de mes sourcils, visiblement étonné, et lui jette un coup d'œil curieux, tandis qu'on commence d'ores et déjà à marcher à l'unisson le long de la grande rue. Elle plante son regard dans le mien, un air juste un brin sévère au visage comme si j'étais un réel gamin instable capable de déraper à chaque seconde, tout en me servant un sourire trop aimable pour être sincère. Je guide notre marche, en bifurquant brusquement dans une allée perpendiculaire à High Street, tandis que je lui adresse un sourire censé paraître mystérieux. « Je me suis dit que ça ne te ferais pas de mal un peu de dépaysement... » J'ai du mal à trouver les grands restaurants agréables et chaleureux -sans oublier que mon portefeuille n'est pas prêt à endurer les lieux de prédilection de mademoiselle Reagan. Je l'entraîne dans une nouvelle ruelle bien moins fréquentée que la grande avenue principale sur laquelle nous nous trouvions quelques instants auparavant et après avoir marché pendant un petit moment, je m'arrête devant un bâtiment qui ne semble rien avoir de spécial. On pourrait même penser qu'il s'agit d'une simple bâtisse résidentielle. Je lui désigne la porte, la laissant passer devant moi, avant de rentrer à l'intérieur. L'intérieur est cosy, plutôt minimaliste et a une ambiance très pub anglais du coeur de Londres, une serveuse me salue même par mon nom si bien que j'adresse un petit sourire goguenard à Bethany, tandis que j'avance tranquillement à l'intérieur, attendant qu'elle choisisse elle-même une place.