- with a little help from my friends -
featuring clay&noélie.

Je déambule dans les couloirs l‘air gai. Fini l’été, rebonjour les cahiers. Au final, ca ne me dérange pas plus que ca. J’aime la vie à l’université. J’aime ma petite vie d’étudiante en études cinématographiques et audiovisuelles. J’avais déjà prévenu que j’étais une grande fan de films et de séries. Un jour, je finirai réalisatrice de grands films. Mais pour l’instant on pourrait faire tout un scénario de ce qu’il se passe ici, à MVU. Je croise l’un des deux enquêteurs, automatiquement, leur simple vue me re-balance à l’esprit toute l’histoire du meurtre. Et, par la même, me mets mal à l’aise. Non que les ¾ ici essaient d’aller de l’avant mais presque. Mon sourire s’affaisse et je me contente d’aligner les pas les uns devant les autres plus rapidement. Mes yeux se perdent un instant et finissent par se poser sur le marbre du sol. Je cligne des yeux, secoue légèrement la tête avant d’afficher un nouveau sourire en apercevant Clay. « L’heure du goulag a sonné pour toi » je dis en prenant un air solennel avant d’échapper un rire. J’affiche un large sourire lorsque ce dernier se retourne vers moi. Oui, je sais ce que ca signifie d’être assis, d’attendre face à cette porte que l‘on veuille bien nous ouvrir, dans le but de vous faire passer un quart d‘heure qui restera à jamais gravé dans votre mémoire. Quand bien même ce n'est qu'un malheureux "interrogatoire de routine". A les écouter tout n'est que "routine" pour eux.. Soit.

Spoiler:

Comment foutre la journée d'un étudiant en l'air, leçon 1. Clarence avait pourtant espéré pouvoir profiter de la grasse matinée qui s'offrait devant lui. Son maître de conférence était parti pour Boston, histoire d'alimenter un peu plus la popularité qu'il pensait avoir acquis dans le monde du droit et de la justice. Quelle aubaine sachant qu'en cette matinée, il aurait dû devoir le supporter 4 heures de suite, assis sur une chaise d’amphithéâtre les plus inconfortables. Et combien y avait-il de chance pour que justement ce jour-là des enquêteurs de la police ne le convoque pour répondre à un interrogatoire ? C'est connu : les principaux suspects, on leur retire le sommeil, leur capacité à réfléchir et sitôt ils obtiennent ce qu'ils veulent... Pas avec Clay. La mine mal réveillée, les traits contrits, il attendait là sur une chaise attendant qu'on daigne prononcer son nom qu'il détestait tant. La tête posée sur son genou relevé, même le gobelet vide de café qu'il tenait à la main n'avait pas réussi à l'extirper de son brouillard grognon. Ses boucles indisciplinées lui retombaient sur le visage et même si la plupart du temps il avait fermé les yeux, on ne saurait dire quand il vous fixait ou non. Il avait légèrement rabattu la capuche de son sweat aux couleurs de sa confrérie sur sa tignasse et attendait, maudissant intérieurement toutes les choses à insigne qui passaient devant lui. Il leur ferait payer à tous sitôt qu'il deviendrait un avocat de renommée. Déjà un grand nombre de malheureux étaient sur sa liste noire : encore les derniers rêves d'un jeune homme qui pensait avoir bientôt le monde à ses pieds et les gens pendus à sa verve parfaite.

Derrière lui, s'éleva une voix féminine, bien trop guillerette pour l'heure qu'il était. Bien qu'il eut reconnu Noélie, il se contenta de pousser un grognement désinvolte avant de pivoter juste assez pour l'apercevoir. Comment faisait-elle pour garder cet optimisme aussi agaçant ? Parfois il mourrait d'envie de la secouer pour lui faire comprendre que rien n'est rose ici. Clay avait le don pour déceler la moindre faille, le moindre défaut dans tout. « Apparemment, tu n'as pas trop souffert. » Marmonna-t-il, désagréable. La rancœur qu'il portait à l'égard de ce qu'il considérait comme ses bourreaux se reporta malgré lui sur son amie qui s'approchait de lui. Finalement, il lâcha sur un ton amer : « Ah non c'est vrai. Tu as eu ta place dans la sororité maintenant, tu n'as plus rien à craindre. » Des paroles qui sonnaient comme un reproche. Bien qu'il ne lui ait jamais reproché d'avoir pris la place de la victime, qui fut autrefois sa petite amie, le doute persistait toujours. Passant une main sur son visage pour en écarter les boucles rebelles, il la fixa intensément de ses yeux bleus clair mais noirs de mauvaise foi.

Dans un premier temps Noélie ne prêta guère attention à l’humeur maussade et renfrognée du jeune homme. Non, du tout, elle était trop absorbée dans sa bonne humeur et sa joie de vivre continuelle, que parfois elle pensait que c’était la même chose pour tout le monde. Bien que ca aurait pu être communicatif, là il se trouvait que cela faisait même effet inverse. « Apparemment, tu n'as pas trop souffert. » marmonna-t-il revêche. La belle arqua un sourcil perplexe avant d’hausser simplement les épaules et de passer outre. « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort à comme on dit ! » s’exclama-t-elle, un large sourire aux lèvres. Quelque soit la situation, la blonde essayait autant que ce peu d’être positive, de voir le meilleur côté des choses, de trouver des explications etc... Outre le fait qu’elle vivait sur son petit nuage tout rose, aussi rose que le sweat des Oméga Phi, elle n’avait pas tendance à se laisser affecter par l’humeur d’autrui, surtout quand cet autrui était un ami, au contraire elle essayait de renverser la tendance quoique ca lui en coûte au final. Mais là, elle avait l’impression d’être confrontée à un mur. Soit. « Ah non c'est vrai. Tu as eu ta place dans la sororité maintenant, tu n'as plus rien à craindre. » Coup de poignard. Ca, par contre, c’était de trop. Noélie pouvait accepter bien de choses mais là… Autant que des inconnus lui balancent ce genre de réflexions n’était pas grave en soit bien que blessant tout de même, néanmoins, là venant de lui en plus, c’était cent fois pire. Ses paroles raisonnaient en boucle dans sa boite crânienne. Une dague en plein cœur. Noélie saigne. Elle déglutit avant de baisser les yeux vers le sol et de serrer les dents. Serrer les dents pour tenter de retenir l’eau qui lui montait aux yeux. Depuis le début d’année, plusieurs jours donc, elle supportait réflexions sur réflexions, celle-ci en l’occurrence était de trop. Alors oui, elle pouvait être considérée de faible, et oui elle craquait facilement. C’était un fait irrémédiable. Mais c’était ainsi. « Alors, toi aussi tu es de ceux là.. » fit-elle sans chercher à cacher sa déception, déçue de ses paroles acerbes, déçue de sa réaction, déçue de ce qu’au final il pensait d’elle. Ses longs cheveux blonds recouvraient son visage rivé vers le sol et elle ne tenta pas d‘établir un quelconque contact visuel avec ce dernier. Par ailleurs, Noélie ne fut pas plus explicite mais elle faisait grandement référence à tout « ceux » qui pensaient qu’elle n’était qu’une opportuniste et toutes les dérivées possibles à cela, puis dans le pire des cas, qu’on la soupçonne d’avoir été capable de commettre un tel acte. Par ailleurs, la blonde ne savait ce qui était le pire dans tout ca: qu’on la pense capable de faire cela ou alors que ce soit un ami qu’elle estime et apprécie qui lui balance ça à la figure comme on aurait craché à la gueule d‘une personne qu‘on déteste. Puis, sans vraiment attendre de réponse, et sans réfléchir, elle commença à pivoter légèrement pour faire chemin arrière..

tu excuseras le changement dans la narration

Si Clarence n'était pas d'une humeur noire, sans doute se serait-il permis une réflexion railleuse sur l'exclamation de Noélie. Elle était si naïve. Quelques semaines après la découverte d'un corps sur le campus, elle se permettait de faire référence à un tel proverbe. Ashleigh n'avait donc pas été assez forte pour succomber cette nuit-là ? Depuis qu'il avait su qu'on le convoquerait à un interrogatoire en bonne et du forme, il avait ruminé nuit et jour ses réponses, nuit et jour ces moments passés avec elle rien que pour tenter de trouver un indice quant à l'issue fatale de sa petite amie. Avait-il pu prévoir cet événement ? En était-il le responsable indirect comme certains policiers semblaient le penser ? Sitôt qu'on avait appris la mort de cette étudiante, les regards s'étaient rapidement tournés vers les mêmes têtes : la famille, les ennemis, les ex... Et donc lui. Non cette entrevue avec les hommes à insignes n'allait pas le tuer, quant à le rendre plus fort, il l'espérait. Cette affaire l'épuisait mais s'il souhaitait pour la première fois abandonner les autres, il se sentait obligé de poursuivre sa propre investigation. La présence de Noélie le dérangeait guère, à vrai dire pas plus que les autres étudiants de la MVU qu'il exécrait croiser tous les jours. Malgré tout, Clay se laissait aller à ses émotions, il ne pouvait plus résister à la rancœur qui le rongeait et qu'il ne pouvait décharger sur personne. D'ici peu, il allait rencontrer des représentants de la justice et pour un futur avocat, être dans leur collimateur n'était pas de meilleure augure. Sans le vouloir réellement, le jeune homme se montra soudain agressif voire complètement blessant à travers une remarque qu'il savait pourtant délicate. Peut-être la frapper aurait été moins douloureux.

La réaction immédiate de Noélie manqua de peu de secouer Clay. Il continuait de la considérer de son regard fatigué, de son esprit embrumé sans agir face à la détresse de son amie. L'amie qu'il avait connu grâce à son père, peut-être futur employeur, un contact de renommée qu'il ne pouvait pas se permettre de perdre. L'hypocrisie n'avait jamais été dans les valeurs de Clarence et par chance, il s'était bien entendu avec sa fille, une jolie blonde un peu simplette mais à qui on ne reprochait presque rien. Excepté aujourd'hui, elle qui croyait avoir saisi la chance de sa vie se retrouvait être désignée comme l'opportuniste louche et prête à tout. Le jeune homme ne s'était jamais posé la question quant à sa possible implication, ça ne lui avait jamais effleuré l'esprit. Et c'est quand Noélie évoqua cette pression des autres qu'il daigna enfin se réveiller. Continuer à faire du boudin ? S'excuser ? Les deux solutions étaient exclues. Tandis qu'elle avait entrepris de le laisser tranquille, il l’interpella. « Noélie. » Il fit même le gros effort de se lever et d'esquisser quelques pas dans sa direction. D'une voix qu'il voulait la plus neutre possible, il poursuivit : « On le sait tous. Le café de la MVU a toujours été trop fort. Je suis nerveux. » La façon Clayesque de justifier son acerbité et de se faire pardonner. Éventuellement. Le glas allait bientôt sonner pour lui de toute façon.

Décidément, ce n’était pas un début d’année auquel elle s’attendait. Néanmoins, sa bonne humeur était toujours d’actualité, elle essayait à chaque fois et autant que ce peut de passer outre, se disant que ca passerait et que ca allait bien finir par prendre une fin. Et, que malgré tout les événements survenus il fallait bien qu’ils continuent de vivre tous autant qu’ils étaient, qu’ils le méritaient dans un sens. Cependant, il suffisait qu’on lui ressorte cette histoire là pour que sa bonne humeur ne s’éteigne, que son sourire ne se brise et que, tout simplement, la blonde ne s’efface. Noélie supportait mal qu’on l’accuse de remplacer la défunte. Ou alors, elle avait l’impression ’d’exister’ au travers du fantôme d’Ashleigh. Ce n’était pas une question d’orgueil ou d’égo, simplement d’existence. Elle avait besoin de se sentir « elle » et pas qu’on l’associe sans cesse à une autre, morte qui plus est; qu’on la fasse disparaitre elle, Noélie Young, parce qu‘une Ashleigh Howard s‘était éteinte. Bref. Noélie se comprenait dans ses ressentis. Et, encore une fois, le pire sentiment de solitude n’est pas lorsque les gens vous excluent mais lorsque ce sont vos propres amis qui le font. Enfin, jusqu’à présent, et malgré leur nombreuses différences aussi bien dans leur caractère que dans leur personnalité respectives, Noélie avait toujours considéré Clarence comme un ami. Un ami qu’elle avait certes rencontré grâce à son père, mais ami tout de même. Ami qui était également le petit-ami -l’ex petit ami disons maintenant- de la défunte. Ce qu’elle avait oublié mais lui revint immédiatement à l’esprit. La blonde lia rapidement son comportement à cela. Et, au fond, finit par l’excuser. Evidement, comme à chaque fois. Noélie était une pro en la matière. En effet, elle finissait tout le temps et toujours par pardonner quand bien même la personne ne le méritait pas forcément. Mais, pour le moment, elle se sentait de trop, et s’était dit que le laisser serait la meilleure solution. « Noélie. » entendit-elle ensuite. La blonde hésita et finit par s’arrêter avant de se retourner en forçant un sourire -moins rayonnant que précédemment mais d’une crédibilité suffisamment élevée pour faire croire qu’elle avait passé l’éponge, déjà oublié, que ‘ce n‘était pas grave‘. Qualifiez la de borderline, lunatique, versatile, ce que vous voudrez mais la vérité était tout autre. C’était juste bien enfouit. « On le sait tous. Le café de la MVU a toujours été trop fort. Je suis nerveux. » ajouta-t-il. La blonde releva les yeux vers Clay et lui sourit à nouveau. « Ca doit être ça » fit-elle en haussant les épaules, peu convaincue mais soit. « Anxieux ? » demanda-t-elle après avoir laissé filé quelques minutes, avec un coup de tête vers ladite porte en chêne avant de replanter ses prunelles noisettes dans les siennes. Dans un sens, elle avait déjà une bribe de réponse, mais soit. Et voilà qu’elle se remettait à se soucier de lui. Après tout c’était ce que les amis faisaient, non ? Néanmoins, elle souhaitait qu’il sache qu’elle était là si elle avait besoin d’un quelconque soutien etc.. Puis, même s’il lui disait le contraire, elle serait quand même là. Noélie était comme ca, quitte à être chiante, ca lui passait au dessus. La blonde ne prétendait pas savoir ce que les gens avaient besoin mais elle savait ce que généralement on ressentait dans ce genre de situation.

Clarence n'espérait pas à ce que Noélie lui pardonne. C'était une mauvaise journée et si la jeune fille acceptait bien de passer outre ses remarques désobligeantes, elle n'était pas à l'abri d'en subir de nouvelles. Tout autant qu'il était d'une franchise acerbe, son amie était d'une fragilité extrême. Sa bonne humeur n'était pas inébranlable mais sitôt qu'on parvenait à la toucher, elle pouvait se fondre dans une sensibilité et une résignation des plus déstabilisants. Clay aimait à ce qu'on lui résiste, qu'on tente de lui tenir tête avant de se rendre à l'évidence : il attaquait trop bien. Dès qu'il s'agissait de Noélie, elle tournait les talons et cet abandon suffisait à le perturber à son tour. Peut-être était-ce là la force de la jolie blonde, attendrir les autres pour mieux les faire flancher. C'est pourquoi lorsqu'il s'était avancé vers elle, il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui sourit puis finisse par oublier ses précédentes paroles, qui relevaient pourtant des pires reproches qu'on puisse faire à l'étudiante fraîchement sœur des Omega Phi. Il demeura planté là jusqu'à ce qu'elle ne lui pose la question fatidique. Appréhendait-il la rencontre avec les policiers ? Il ne redoutait rien, il se sentait déjà seulement lassé des futures questions indiscrètes avant même qu'on ne les lui pose. Il les avait ressassé, il s'était préparé à tout mais au vu des élèves qui sortaient des bureaux, la mine déconfite, les uniformes avaient plus d'un tour dans leur sac. Il regagna sa chaise rudimentaire qui longeait les couloirs, invitant implicitement Noélie à le suivre. Une fois qu'il se fut affalé, il haussa les épaules avant de laisser échapper : « Non pas anxieux. Ces incompétents me font juste lever de bonne heure et rater des heures de sommeil pour faire croire qu'ils cherchent la vérité. » Cette pensée lui arracha un soupir exaspéré avant qu'il ne lève ses yeux bleus vers son amie : « C'est évident, c'est toujours le petit ami le coupable. Qui sait, ils ont peut-être déjà révélé toutes mes manigances, bientôt je serai dévoilé ! » Aux airs surpris des quelques étudiants qui passaient devant eux, les murs avaient des oreilles. Etaient-ils donc si stupides ? « Je te conseille de détourner le regard. Je ne suis pas à l'abri d'un nouvel accès de folie. » Adressa-t-il, mesquin, à un jeune homme visiblement décontenancé qui se contenta de détourner le regard et de fuir.

Clarence laissa à nouveau sa tête tomber entre ses mains. Noélie devait bien être surprise de voir le garçon aussi abattu et immobile, lui qui d'habitude supportait très bien la pression et la solitude. Malgré ses traits maîtrisés, la médiatisation et l'ampleur que prenait le décès de sa petite amie pesaient énormément sur ses épaules quand bien même il n'était sûrement pas la personne la plus touchée par tout ça. Noélie, en tant que remplaçante officielle d'une morte, connaissait-elle le même malaise ? Il l'ignorait et sa fierté masculine l'empêchait de poser toute question qui supposerait à une faiblesse. Il avait seulement besoin de souffler.

Noélie aligna quelques pas, tira une chaise et s’installa à son côté. La blonde attendait toujours sa réponse, et se mit inconsciemment à se triturer les mains en regardant distraitement le marbre du sol. « Non pas anxieux. Ces incompétents me font juste lever de bonne heure et rater des heures de sommeil pour faire croire qu'ils cherchent la vérité. » L’Oméga Phi arqua un sourcil perplexe et releva le visage vers lui dans l’espoir de lire sur son visage, ses yeux, ce qu’il ’pensait’ et ressentait réellement face à cette situation. Car, elle, elle se souvenait très bien de l’angoisse qui l’avait étreint lorsqu’ils l’avaient convoqué. Juste sur le principe, elle qui n’avait jamais eu affaire à la police ou ne serait-ce qu’à l’administration de l’université, elle à qui on ne pouvait rien reprocher, se retrouver soudainement dans ce genre d’histoire c’était quelque chose. « Je vois » fit-elle ensuite, son observation ne menant à rien. D’un côté, elle admirait ce côté-là. Son impassibilité. Noélie était tout bonnement incapable de dissimuler ses sentiments, ses ressentis: ses yeux, son expression, plus largement son visage, et sa façon d’agir, finissaient toujours par la trahir. Sa mère lui disait souvent qu’on pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. « C'est évident, c'est toujours le petit ami le coupable. Qui sait, ils ont peut-être déjà révélé toutes mes manigances, bientôt je serai dévoilé ! » La blonde eut un rire jaune. Elle ne le croyait en rien coupable, jamais son esprit n’aurait pu le considérer comme tel, à vrai dire elle l’en croyait sincèrement incapable. Mais, de toute évidence, on se fichait bien de son avis puisqu’elle-même était dans la liste des suspects. Par ailleurs, dans nombre de scénarios le petit ami était également l’abusé dans l’histoire, une sorte de victime due aux dommages collatéraux, celui qui n’avait rien vu venir, pire encore celui découvre des choses qu’il n’aurait jamais pensé après résolution de l’énigme. Non, Noélie n’avait pas une imagination débordante. Elle était juste bien placée pour le savoir en tant qu’étudiante en études cinématographiques et audiovisuelles. « Oui, ou celle qui trouve un espèce ‘d’intérêt’ dans la mort de la victime » lâcha-t-elle amer, se déconnectant un instant, ne prêtant aucune attention aux étudiants qui passaient. La demoiselle se perdit un instant dans ses pensées avant de cligner des yeux puis de reporter ses prunelles vers le jeune homme. Un jeune homme qui semblait abattu, prenant la position du consterné: tête entre les mains, avachit sur une chaise dès plus inconfortable. Et, autant dire que ca ne laissait pas Noélie de marbre. Un rien la touchait et quand ce rien était en rapport avec un de ses amis c’était encore pire. Elle devait être hyper-sensible au fond. Noélie était prête à tout pour ses amis, ce n’était pas nouveau. La blonde se mordilla l’intérieur de la joue avant de se tourner de trois-quarts vers Clay, puis tendit un bras vers lui, et d’un geste à semi-hésitant elle finit par déposer délicatement, doucement, sa main sur son épaule. « Je… Je comprend » Et, ne fut pas plus explicite. Tous vivaient plus ou moins une situation compliquée. Le soutien semblait être alors la solution la meilleure, la plus juste. Noélie pressa légèrement son épaule, elle se voulait réconfortante, et aurait aimé faire bien plus. Mais quoi ? Là résidait l’entièreté de la question.

Bien que les deux jeunes gens s'appréciaient en grande partie face au paternel Young qui avait trouvé fort heureux de les présenter, elle sa fille chérie et lui le garçon ambitieux en quête de réussite, Noélie ne devait pas trouver ce dernier aussi vif qu'on lui avait décrit et tel qu'elle l'avait connu. Peut-être avait-elle cherché chez lui un peu de challenge, un ami à qui parler mais il fallait se rendre à l'horrible évidence : le futur interrogatoire avait coupé toute envie à Clarence d'ouvrir sa bouche à tort et à travers. Bien trop silencieux, il avait même coupé l'herbe sous les pieds de son amie qui se retrouvait à devoir gérer un garçon abattu. Ca ne lui ressemblait pas et à vrai dire, voilà plusieurs minutes qu'il se maudissait intérieurement ainsi que les policiers dans la salle d'à côté pour le rendre aussi faible. Il ne supportait pas cette humeur-ci. Même la remarque de Noélie quant à sa propre position qui se voulait grave procura l'effet contraire chez Clay qui ne put retenir un rire jaune et nerveux durant un instant. Il ne se moquait pas d'elle, il se moquait de la situation même. S'en pouvoir s'arrêter de ricaner exagérément, il marmonna dans ses mains sur un ton ironique : « Peut-être sommes-nous le couple destructeur qui a écarté l'élément perturbateur sur leur chemin de la gloire et de la reconnaissance. » Il écarta une de ses mains juste assez pour jeter un coup d'oeil à Noélie, son œil brillant d'une certaine lueur le temps d'une seconde. Puis recouvrant tout son sérieux, il se prosterna de nouveau dans la position précédente.

Clay avait senti sa main se poser sur son épaule et si toutefois il n'avait pas dépassé son quota de remontrances qui froisseraient Noélie, il l'aurait retiré sans ménagement. Il n'aimait pas tellement les contacts physiques. Loin d'être maniaque, il faisait partie de ces coincés des sentiments qui estimaient qu'un geste parlait plus qu'une parole. Et pour cause, il ne risquait jamais de se compromettre par un geste déplacé qui le dévoilerait. Il maîtrisait mieux les mots, il les préférait donc. Il demeura donc immobile. Un nouveau silence puis un nouveau soupir. Sans prononcer un mot, il finit par se redresser. D'un pied, il écarta la chaise vide à côté de lui puis pivota quelque peu. Une fois qu'il fut dos à Noélie, il s'allongea, les jambes étendues sur la chaise, la tête sur les cuisses de Noélie. Si elle tenait tant que ça à jouer les épaules réconfortantes, elle allait subir. Il ne se préoccupa de savoir si ça la gênait elle ou même les autres qui l'observait d'un œil perplexe. Fier de se faire remarquer à nouveau, Clay croisa ses mains sur son ventre et ferma les yeux. « Lève la tête et regarde-les tous. N'ont-ils pas l'air minables à s'offusquer si rapidement ? Tu veux que je te dise ? La MVU est si ennuyeuse. Si toutefois Ashleigh est décédée dans un accident, je lui souhaite d'avoir passé la meilleure soirée de sa vie... » Malgré lui, à sa propre évocation, il grimaça. Son cœur froid se pinçait à ce prénom, un son désagréable résonnait à son cerveau comme le signal de l'interdit et le parfum fleuri de la jolie blonde ne parvenait pas à calmer ses angoisses. « Je suppose qu'ils t'ont déjà interrogé ? Que t'ont-ils demandé ces ânes ? »

« Peut-être sommes-nous le couple destructeur qui a écarté l'élément perturbateur sur leur chemin de la gloire et de la reconnaissance. » marmonna-t-il cyniquement. Hors contexte, cette phrase pouvait être choquante, vraiment. Mais dans le cas actuel, Noélie préféra s’accommoder à cet autodérision et cette ironie. « Peut être, qui sait. Nous sommes peut être ceux qui tirent les ficelles dans toute cette histoire » ajouta-t-elle sur le même ton, poussant le vice. Après quoi, elle vrilla légèrement ses prunelles vers ceux du jeune homme dans une synchronisation déconcertante, pile au moment où lui-même avait décidé de lui jeter un coup d’œil avant de reprendre sa position initiale. Un silence s’installa, Noélie n’osa dire un mot, pensive, réfléchissant, regardant les gens aller et venir, sa main toujours sur l’épaule de son ami. La minute d’après, elle cligna des yeux revenant à elle en entendant une chaise racler le sol et que la tête du jeune homme ne repose sur ses jambes. Ne sachant trop où poser ses mains elle en posa finalement une sur son buste, puis releva inconsciemment les yeux au moment où il le lui dit. « Je l’espère aussi pour elle.. » murmura-t-elle, les yeux perdus dans le vide, bien qu’elle en doutait franchement. Et elle soupira. Le souvenir d’Ashleigh lui était quelque peu désagréable. Noélie ne la connaissait pas plus que ca mais ce souvenir là en faisait émerger d’autres et notamment une réalité compliquée. Autant dire, que même morte, Ashleigh continuait de.. Vivre ? Noélie secoua légèrement la tête, chassant cette idée, se trouvant ridicule. Se croyait-elle dans un film ? Ouais, c’était dans les films qu’on entendait ce genre de refrain. Et, la question de Clay la sorti de ses pensées. « Ah, euh oui. » fit-elle en baissant les yeux vers le jeune homme, prenant un air pensif tâchant de se souvenir de cet horrible interrogatoire. « Hmm.. Si j’étais une fan du Greek System. Si j’étais une amie d’Ashleigh et comment j’ai réagi en apprenant sa mort et… ah oui, ce que j’ai fais ce soir là. » répondit-elle. « Et, c’est tout, j’crois » dit-elle se mordillant l’intérieur de la joue avant de détendre ses sourcils au préalable froncés lorsqu’elle se mettait à réfléchir. « A mon avis, ils sont loin d'être le genre à innover. » ajouta-t-elle à son égard, comme si elle essayait de le 'rassurer'.

Si la venue des policiers avait retiré à Clarence toute envie de rire, il aurait sans doute ricané fièrement de cette éphémère comédie. Il aimait se faire passer pour ce qu'il n'était pas, faire croire à ces candides camarades ce qu'ils voulaient bien croire sans leur laisser planer le doute sur la stupidité de leurs suppositions. Suite aux questions incessantes des autres, Clay avait souvent fini par répondre à l'affirmative, avouant un quelconque crime, une quelconque culpabilité. On le regardait d'un air incrédule, n'osant y croire ou bien on lâchait un soupir las face à cette agressivité exagérée avant qu'on ne daigne enfin le laisser tranquille. Futur avocat, pouvait-on croire qu'il ait enfreint la justice ? Supposait-on qu'il l'ait fait : sans doute n'aurait-il jamais pris le risque de prendre la joviale blonde et naïve en tant que complice. Noélie n'aurait jamais supporté la pression des interrogatoires tendus et elle aurait sitôt avoué sa culpabilité et celle du cerveau de l'histoire... Cette fantasque histoire eut le don de réconforter un peu Clay dans son innocence et surtout dans celle de son amie. Il l'avait accusé d'être une opportuniste sans fond, d'avoir peut-être même orchestré cette mascarade. Mais aujourd'hui il la trouvait juste trop simplette et peut-être pas assez manipulatrice pour arriver à de tels fins. Et Clarence ne se trompait jamais ô grand jamais, c'était impensable.

D'un geste maladroit, Noélie posa sa main sur son buste. Clay ne broncha pas. Elle n'était certainement pas habitué à ce qu'il soit aussi calme et presque en quête d'attention. Ca ne lui ressemblait pas et s'il paraissait neutre d'apparence, au fond de lui il bouillonnait toujours, honteux d'être aussi abattu. Il comptait bien reprendre du poil de la bête lors de son interrogatoire et leur faire comprendre de quoi il en retournerait de le perturber comme ça. Il l'interrogea sur sa propre expérience. Il avait besoin de connaître les questions à l'avance, il avait besoin d'être préparé. Lorsqu'elle énuméra ce qu'on lui avait demandé, une lueur de génie éclaira son esprit. Ignorant les paroles qui étaient censés le rassurer, il suréleva légèrement la tête pour fixer Noélie de son regard bleu inquisiteur. Ca lui revenait... De but en blanc, il lâcha sur un ton soupçonneux : « Noélie. Pourquoi m'as-tu fui ce soir-là ? C'est toi que j'ai croisée. C'est pas ton genre de détaler comme si j'allais t'agresser. » Il se souvenait. Après avoir quitté Jaden, il avait prévu de rentrer chez lui. Toutefois sur la route, il l'avait rencontrée elle, visiblement troublée voire anxieuse. Bien que fatiguée, il avait esquissé un pas vers elle jusqu'à ce qu'elle ne parte rapidement. Se pouvait-elle qu'elle ose lui mentir ? Avait-elle quelque chose à se reprocher dans l'histoire ? « Qu'est-ce que tu foutais dehors toute seule dans la nuit loin de la fête ? »

Noélie reporta son attention vers le mur en face d’elle, distraitement. Et, bien qu’elle avait l’habitude d’être un moulin à parole, de combler les vides dans les conversations, dans ce cas là, elle n’osait noyer le jeune homme sous le flot de parole qui pouvaient sortir d’entre ses lèvres. En effet, elle avait un minimum de tact, et, elle avait l’impression que ce n’était vraiment pas le bon moment. Néanmoins, la blonde espérait que son ami redevienne rapidement celui qu’elle avait toujours connu parce que la facette qu’elle voyait aujourd’hui lui était spéciale. Autant dire que, vivement que ce fichu interrogatoire passe. Car, elle ne donnait pas cher de sa peau si cet attente devait se prolonger. La belle soupira légèrement avant que le jeune homme n’ouvre la bouche. « Noélie. Pourquoi m'as-tu fui ce soir-là ? C'est toi que j'ai croisée. C'est pas ton genre de détaler comme si j'allais t'agresser. » Le temps de revenir à elle et de se remettre dans le contexte, elle ouvrit la bouche et la referma dans la même foulée sans qu’aucun mot ne franchisse la barrière de ses lèvres. Cependant, elle finit par arquer un sourcil perplexe, essayant tant bien que mal de se rappeler les événements qu’il était entrain de lui raconter. « Qu'est-ce que tu foutais dehors toute seule dans la nuit loin de la fête ? » ajouta-t-il ensuite. « Euh » commença-t-elle perplexe en rivant ses prunelles vers celles du jeune homme. « Clay... je n’y étais pas à la soirée. » fit-elle incrédule, les sourcils froncés vers le jeune homme avant de passer sa main libre dans sa chevelure blonde.  Tu as du confondre avec quelqu’un d’autre, d’autant plus si tu avais bu ou quoi que ce soit d’autres » dit-elle tentant de trouver une explication, pensive, en relevant les yeux, balayant le couloir des yeux. « Je te l’avais dis, en plus, tu sais après l’affichage des résultats que je rentrais en Islande » ajouta-t-elle.